Il y a un an, presque jour pour jour, l’hiver n’en finissait plus et la France était plongée dans un froid glacial et exceptionnel.
Cette année c’est tout le contraire, après un hiver exceptionnellement doux, le printemps est déjà là !
Du coup, la sève de bouleau est en avance et elle coule déjà à flots dans nos forêts.
Remarquez que tout le monde s’en moque, de la montée de la sève de bouleau. Tout le monde ou presque.
La plupart de nos contemporains ont totalement oublié que, il y a cinquante ans encore, la majorité des populations européennes, de l’Écosse jusqu’à la Russie, en passant par la Norvège, la Slovénie et la Hongrie, attendaient avec une brûlante impatience la montée de la sève à la fin de l’hiver. Plus qu’une tradition, c’était une fièvre qui saisissait collectivement l’Europe. Armés de couteaux (pour faire des entailles dans les troncs), de seaux et de tubes, des centaines de milliers de personnes partaient à l’assaut des forêts pour récolter la précieuse sève de bouleau.
La sève était en effet symbole d’un renouveau et perçue comme un moyen de fortifier son organisme pour attaquer l’année :
En hiver, le froid nous pousse à diminuer notre activité physique et à manger des aliments plus riches qui sont aussi les plus chargés en polluants chimiques car ces derniers sont stockés dans les graisses corporelles des animaux. L’alimentation est plus sucrée, plus pauvre en vitamines et antioxydants.
De plus, notre peau est privée des rayons ultraviolets du soleil qui devraient traverser l’épiderme et le derme pour produire de la vitamine D indispensable pour le moral et la solidité des os, entre autres.
Quoi de plus normal donc que de voir augmenter à la sortie de l’hiver nos douleurs articulaires, nos calculs rénaux, nos indigestions, notre tension artérielle ou même parfois de déclencher une crise de goutte. C’est donc le bon moment pour agir !
Dans la vision des naturopathes, le corps est pourvu d’émonctoires qui jouent un rôle de filtres épurateurs : foie et intestin, rein, poumon et peau. Mais en hiver, l’alimentation dénaturée, inadaptée ou excessive, la sédentarité, l’absence de sudation et, actuellement, la pollution et le stress, provoqueraient une surcharge de ces émonctoires. Le processus de « nettoyage » s’essoufflerait. S’ensuivraient un « encrassement » et un « ralentissement métabolique », quoi que signifient au juste ces termes, particulièrement perceptibles à la sortie de l’hiver avec, comme premier symptôme, la fatigue souvent ressentie à cette période.
Selon eux, il faudrait à la fin de l’hiver débarrasser l’organisme de tout ce qui l’encombre, éliminer les graisses épaisses qui retiennent les pesticides, les produits chimiques, les fumées. Ils pensent qu’il est important d’aider le foie, l’intestin, la vessie, les reins à se purifier. Ils conseillent de ne pas attendre que nos organes se révoltent tout seuls avec les premiers rayons sous forme d’eczéma, psoriasis et allergies diverses que l’on attribue au soleil, car, selon eux, ces manifestations seraient des signes d’encrassement interne.
Et justement, Dame-Nature a prévu de nous donner un élixir extraordinaire et précieux pour ce grand nettoyage : la sève de bouleau.
Aujourd’hui, l’habitude de boire de la sève de bouleau au début du printemps a quasiment disparu et nos contemporains ne connaissent plus, comme produit de la sève d’un arbre, que le sirop d’érable canadien, très sucré. Mais en réalité, les Soviétiques ont maintenu l’industrie de la sève du bouleau jusqu’à la chute du Mur de Berlin. On possède d’ailleurs d’étonnantes photos prises en RDA, dans les années 80, où l’on voit des dizaines de personnes occupées à la récolte en forêt. En Lettonie, elle est considérée encore aujourd’hui comme un véritable trésor national [1].
Et ce n’est pas pour rien :
La sève de bouleau contient des éléments naturels très intéressants dont on ignore encore tous les mécanismes d’actions : de la vitamine C, des flavonoïdes antioxydants comme la quercétine, des tanins, de l’acide chlorogénique. Elle est riche en calcium, magnésium, silicium, sodium et potassium. Fraîche, elle contient aussi, immédiatement biodisponibles, des oligo-éléments comme le cuivre, le fer, le manganèse, le zinc si rare dans nos aliments. Elle contient des mucilages, des flavonoïdes, dix-sept acides aminés dont l’acide glutamique qui vivifie et dynamise. Elle contient aussi des cytosines et des sucres sous forme de fructose, de 0,5 à 0,2%.
La sève de bouleau contient encore deux hétérosides, le bétuloside et le monotropitoside qui libèrent par hydrolyse enzymatique du salycicate de méthyle, un analgésique, anti-inflammatoire et diurétique efficace.
Dans pratiquement toutes les populations d’Europe centrale et du nord et jusqu’à la seconde guerre mondiale, dans toutes les classes de la population, elle était donnée aux enfants pour suppléer le lait maternel. On l’utilisait pour renforcer la croissance des enfants et des adolescents, pour rendre à leurs parents l’énergie amoindrie par les hivers rigoureux, pour donner aux vieillards plus de force et enfin pour atténuer ou supprimer leurs douleurs rhumatismales ou articulaires.
En Russie, la dernière bouteille était réservée au Pope du village, le prêtre orthodoxe.
On appelait autrefois le bouleau arbre de la sagesse, mais également « arbre aux néphrétiques » pour ses vertus thérapeutiques.
Le célèbre voyageur arabe Ahmad Ibn Fadlan notait déjà en 941 que les populations bulgares turcophones vivant le long de la Volga buvaient de la sève de bouleau. Le savant allemand Conrad de Megenberg (14e Siècle) mentionne qu’elle était utilisée comme boisson rafraîchissante. Le géographe persan Rashid-al-Din témoigne également que les tribus Uriankhai de Sibérie coupaient les bouleaux et collectaient la sève, qu’ils buvaient à la place de l’eau.
En 1565, le médecin siennois Matthéole écrivait :
« Si on perce le tronc du bouleau avec une tarière, il en sort une grande quantité d’eau, laquelle a grande propriété et vertu à rompre la pierre tant aux reins qu’en la vessie, si l’on continue d’en user. Si on s’en lave la bouche, elle guérit les ulcères qui sont dedans. »
Trois siècles plus tard, Pierre-François Percy, le chirurgien militaire des armées de Napoléon, déclara :
« Dans tout le Nord de l’Europe, jusqu’aux confins de la Russie, l’eau de bouleau est l’espoir, le bonheur, et la panacée des habitants riches ou pauvres, grands et petits, seigneurs et serfs… Les maladies de la peau, boutons, dartres, couperoses etc. lui résistent rarement. C’est un remède précieux dans les affections rhumatismales, les reliquats de goutte, les embarras de la vessie et une foule de maladies chroniques. »
L’ethnologue suédois Gösta Berg suggérait aussi que la sève de bouleau était probablement le médicament le plus courant et le plus efficace contre le scorbut, provoqué par une carence en vitamine C.
En France, c’est dans les monastères que s’est transmise la tradition de consommer de la sève de bouleau. Les moines de la Trappe des Dombes (Ain) ont jusqu’à aujourd’hui gardé sereinement cette tradition. Chaque printemps, les jeunes moines récolent la sève de bouleau fraîche pour que les plus anciens retrouvent leurs forces vives et souffrent moins de leurs douleurs articulaires. Chaque soir la sève non bue est jetée car elle ne se conserve pas.
Les recherches modernes ont révélé la présence de bétuline, une petite molécule qui améliore la résistance à l’insuline, réduit les plaques d’athérosclérose (qui rigidifient les artères et favorisent les accidents cardiaques) et soigne l’hyperlipidémie (trop de graisse dans le sang) [2].
D’autres travaux menés en ex-Union soviétique indiquent que la sève de bouleau peut être utilisée dans le cadre de traitements contre l’anémie, le cancer, la tuberculose, les calculs rénaux, la goutte, l’arthrose, les rhumatismes, le rhume et les maladies de peau [3].
Un médicament développé en URSS, le Biomos, fait à partir de sève de bouleau, a une capacité démontrée à cicatriser les blessures et les brûlures et agit comme substance antidouleur et anti-sclérose [4].
Probablement par manque d’intérêt financier, les recherches sur la sève de bouleau sont éparses mais un certain nombre d’entre elles confirment ces usages ancestraux. Une récente étude menée en Russie a ainsi montré un pouvoir surprenant de ce produit à soutenir la fonction hépatique sur des malades touchés par une hépatite C chronique. En 12 semaines l’activité du virus a été réduite de 43% [5].
Par ailleurs les recherches ont montré que l’acide chlorogénique de la sève de bouleau (qu’on retrouve aussi dans le café) diminue l’appétit, diminue l’absorption des glucides et favorise l’utilisation des graisses pour fournir de l’énergie et permet une perte de poids qui peut atteindre 4 kg en 12 semaines [6].
En Europe de l’Ouest, les sociétés qui commercialisent la sève de bouleau mettent en avant ses vertus pour favoriser le drainage et l’élimination des déchets acides de l’organisme (acide urique), ce qui aurait un effet contre les douleurs rhumatismales et les douleurs articulaires. Là encore la science semble confirmer l’usage traditionnel : l’acide chlorogénique module l’activité du système immunitaire pour réduire l’inflammation dans l’arthrite rhumatoïde [7] et le salicylate de méthyle présent dans la sève exerce des effets comparables à ceux de l’aspirine (acide acétylsalicylique) pour contrôler la douleur.
La sève de bouleau est aussi proposée pour stimuler le métabolisme et détoxifier le corps en douceur (eczéma, dartres, psoriasis, dermites du cuir chevelu…).
Les études menées par l’Université de Riga, en Lettonie, ont également prouvé que la sève de bouleau dispose de fortes propriétés antioxydantes et retarde les effets du vieillissement. Elle stimule à la fois la croissance des cellules du derme et de l’épiderme et protège les cellules de la peau contre le stress oxydatif, y compris des rayons ultraviolets, de la pollution et
des effets d’inflammations.
Pour finir, les flavonoïdes qu’elle contient comme la quercétine sont aujourd’hui d’une efficacité reconnue pour renforcer les vaisseaux sanguins, diminuer la tension artérielle et combattre la rétention d’eau [8].
La récolte de sève de bouleau fraîche ne nécessite ni abattage, ni sacrifice des arbres. Après avoir percé un trou horizontal dans le tronc, il s’agit de laisser couler la sève goutte à goutte dans une bouteille grâce à un tuyau, en évitant l’intrusion de poussières et de salissures dans l’arbre. Un arbre fournira facilement un à deux litres de sève par jour, voire jusqu’à dix litres en deux jours pour un arbre de grande taille. Aucun risque d’épuiser l’arbre, il ne vous donnera que ce dont il n’a pas besoin.
Et de fait, celui qui se hasarde à couper un bouleau de plus de 20 ans au moment de la montée de la sève au printemps s’expose, sans rire, à une inondation. La sève jaillit comme l’eau d’une fontaine.
Une fois la récolte achevée, il faut boucher les trous à l’aide de chevilles de bois pour protéger l’arbre contre les infections.
Lorsque l’on commence une cure de sève de bouleau, il est conseillé de l’ingérer à jeun, tous les matins pendant 3 semaines. La cure de jouvence consiste à boire au moins 3 litres de sève de bouleau sur une période de 21 jours (à raison, environ, de 150 millilitres/jour) ou 5 litres dans l’idéal (à raison de 250 millilitres/jour) pour les personnes fatiguées, souffrant de rhumatismes ou souhaitant tout simplement détoxifier efficacement leur organisme.
La qualité de la sève de bouleau dépendra bien entendu de celle du sol. Les personnes qui récoltent la sève sérieusement font des prélèvements préalables pour identifier les arbres les plus aptes à produire une sève de qualité. A taille égale et à un mètre de distance, deux arbres peuvent présenter des caractéristiques diamétralement opposées.
La sève doit être récoltée près du sol (+/- 0,50m), elle est dite minérale et sera plus trouble et plus bienfaisante que si elle est récoltée à 2 m de hauteur ou sur une branche. Le meilleur moment pour la récolter est après la nouvelle lune de Mars.
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
[1] Pourquoi la sève de bouleau peut faire la fortune de la Lettonie.
[2] Cell Metabolism, Volume 13, Issue 1, 44-56, 5 January 2011, Inhibition of SREBP by a Small Molecule, Betulin, Improves Hyperlipidemia and Insulin Resistance and Reduces Atherosclerotic Plaques
[3] Balitsky KP, Vorontsova AL. Lekarstvennye rasteniya v terapii rakovykh opukholey. 3rd ed. Rostov-na-Donu : Rostovskoe knizhnoe izdatel’stvo ; 1980.
[4] Deryabina FI. Materialy po izucheniyu narodnoy meditsiny Komi-Permyatskogo natsional’nogo okruga. 3rd ed Perm : Perm Farm Inst;1969.
[5] Shikov AN, Djachuk GI, Sergeev DV, Pozharitskaya ON, Esaulenko EV, Kosman VM, Makarov VG. Birch bark extract as therapy for chronic hepatitis C–a pilot study. Phytomedicine. 2011 Jul 15;18(10):807-10.
[6] Thom E. The effect of chlorogenic acid enriched coffee on glucose absorption in healthy volunteers and its effect on body mass when used long-term in overweight and obese people. J Int Med Res. 2007 Nov-Dec;35(6):900-8.
[7] Chauhan PS. Differential Effects of Chlorogenic Acid on Various Immunological Parameters Relevant to Rheumatoid Arthritis. Phytother Res. 2011 Dec 19.
[8] Larson AJ, Symons JD, Jalili T. Therapeutic potential of quercetin to decrease blood pressure: review of efficacy and mechanisms.
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Bonjour Monsieur Dupuis,
Nous sommes déjà le 4 mai, serait-il trop tard dans la saison pour faire cette fameuse cure de sève de bouleau ?
Est-ce que la sève de bouleau fermentée serait meilleure ?
Merci beaucoup,
Cet article est très intéressant vraiment, on ignorait ces bienfaits, comment acquérir cette sève une fois je vis à Montréal au canada merci bcp
Bonsoir ,Je trouve la proposition bien tardive
Bjr pas lu en entier votre article – il me semble après demande auprès magasins bio que la saison sève de bouleau soit passée – Cdt, VH
Merci,pour cette lettre très intéressante.Mme Oliete Marie-Hélène
Bonjour, y a t’il une contre indication de boire de la sève de bouleau chez alors se j’en fais de l’allergie entre autre aux bouleaux autant dire de l’allergie de février à juin/juillet avec un pic aux mois d’avril/m’ai envoyé fonction de la météo
merci pour votre réponse