Chère lectrice, cher lecteur,
Quelle est votre réaction quand vous goûtez une tisane très amère ? Quand vous sentez l’odeur douteuse de la valériane ? Quand vous vous faites piquer par des orties ?
Du dégoût, de la peur peut-être ?
Mais je doute que vous voyiez spontanément dans ces plantes des alliées de votre santé !
Un siècle et demi de chimie pharmaceutique nous a éloignés des plantes qui nous soignent.
Dans l’esprit collectif, c’est en parapharmacie que l’on va trouver son remède, et non dans son jardin. Nous voyons les plantes un peu comme nous concevons les sorcières : soit ce sont des superstitions d’un autre temps, soit elles représentent un danger toxique, voire mortel, dont il faudrait à tout prix se protéger !
Pourtant, la nature continue de nous offrir une diversité, de formes, d’odeurs, de goûts, qu’il est urgent de préserver et de connaître.
J’aimerais vous en donner un aperçu dans cette lettre.
Des pétitions circulent pour rétablir l’herboristerie en France, et c’est une bonne chose. Cependant, l’herboristerie traditionnelle, disons-le clairement, dort maintenant dans les oubliettes de l’Histoire…
Bien sûr, les médecines « douces » comme la naturopathie en réhabilitent l’usage. Mais, bien souvent, l’usage et seulement l’usage : car le savoir théorique qui se cache derrière l’herboristerie a été oublié.
En Europe du moins, car en Inde, celui-ci a été conservé.
Je vais vous inviter dans cette lettre à côtoyer la matière avec vos sens, comme le faisaient les philosophes et médecins de l’Antiquité, en Grèce comme en Inde.
C’est comme cela que vous pourrez comprendre les secrets que les plantes ont à vous offrir.
Oubliez donc vos livres un moment, et faites appel à tous vos sens : vous allez observer, ressentir, toucher, goûter.
Voici ma question : j’ai une plante devant moi que je sais comestible. Comment puis-je déterminer l’effet qu’elle aura sur mon corps sans connaître par avance ses vertus, sans analyse chimique à l’appui ?
Il faut tout d’abord que je l’observe et que je la touche.
Quelle texture a-t-elle ? Douce ou bien rugueuse ? Si j’écrase une feuille entre mes doigts, donne-t-elle beaucoup ou peu de jus ? Si j’en frotte sur mes bras, vais-je avoir des rougeurs ou au contraire, une sensation de froid ?
Voilà par quoi vous devez commencer.
A priori, il n’y a rien de sorcier là-dedans ! Du bon sens, de la logique et de l’expérience, voilà ce qu’il nous faut pour aborder l’herboristerie traditionnelle. Plus vous allez être capable de décrire une plante à l’aide de vos sens, mieux vous allez la connaître, et plus vous en maîtriserez les effets.
C’est l’une des raisons pour lesquelles on nomme l’herboristerie ayurvédique : Dravya Guna Vijnana.
« Dravya » veut dire substance : toute substance peut être « décrite », que ce soit un morceau de fer, une graine d’ortie, une éponge, un os de seiche, un élastique en caoutchouc, ou du beurre.
On décrit une substance en énumérant ses « attributs » ou « qualités » : en sanskrit, « guna ». Un os de seiche est très sec, dur, rugueux, friable, tandis qu’un morceau de beurre est mou, onctueux, lisse.
Quand on a bien décrit la substance, on peut déterminer quel effet elle va avoir sur le corps, on obtient une connaissance pratique, que l’on nomme en sanskrit, « vijnana ».
Pour mieux comprendre l’herboristerie ayurvédique, il faut partir d’un mot : l’allopathie.
Ce terme a aujourd’hui un sens complètement différent et totalement galvaudé, de ce qu’il désignait à l’origine : soigner par les différences.
Appliquons maintenant ce principe aux qualités des substances. Je vous donne un exemple : je suis en surpoids et j’ai trop de graisse, la graisse de mon corps étant de qualités lourde, onctueuse et lisse.
Alors, si je mange du beurre régulièrement, le beurre, ayant des qualités similaires aux graisses de mon corps, va augmenter la quantité de mes graisses corporelles.
Le semblable engendre le semblable.
Si je souhaite perdre du poids, il faut donc que j’aille vers une alimentation ou des plantes aux qualités opposées : sec, léger.
C’est la logique de la thérapie par la différence, le dissemblable : l’allopathie.
Les maîtres de l’Ayurvéda, en se basant sur la physique antique, ont ainsi énuméré des couples de qualités contraires, par exemple :
Chacune de ces qualités de la matière s’explique en fait par la combinaison d’éléments qu’elle contient. En Inde, ces éléments sont au nombre de cinq : la Terre, l’Eau, l’Air, le Feu et le Vide.
Pour ce qui est du Vide, il ne faut pas nécessairement y voir quelque chose de « spirituel » : plus une substance contient d’élément Vide, plus elle sera légère, et contiendra des trous, tout simplement.
Plus une substance contiendra d’élément Terre, plus elle sera lourde.
Plus une substance contiendra d’élément Eau, plus elle sera liquide. Cela va de soi !
Une grande quantité d’élément Feu fera une substance chauffante, voire irritante.
Vous allez me dire que c’est bien beau tout cela, et que c’est du bon sens.
Mais quelles conclusions en tire-t-on vis-à-vis de notre propre corps ?
Selon les médecines antiques, le corps étant fait de matière, il est lui-même constitué d’éléments. Mais ces éléments en nous sont « vivants », et se manifestent comme des « humeurs ».
Si vous avez lu mes précédentes lettres, vous vous souvenez sûrement que selon l’Ayurvéda, ces humeurs sont au nombre de trois : la bile, le flegme et la lymphe.
Chacune des trois humeurs manifeste la combinaison de deux éléments entre eux.
En conclusion, retenez donc que c’est par l’intermédiaire des éléments et des humeurs que l’on comprend l’action d’une plante sur le corps.
Par exemple, une substance « onctueuse », humide, va alimenter l’élément Eau en nous. Selon l’herboristerie traditionnelle occidentale, cette substance va alimenter l’humeur « flegme » dans notre corps, qui était autrefois appelée la « pituite ».
Selon l’Ayurvéda, elle va alimenter le dosha « Kapha ».
Une plante chauffante, irritante, comme un grain de poivre, va augmenter l’humeur associée à l’élément Feu qu’on appelait la « bile ».
En Ayurvéda, on dit qu’elle augmente en nous le dosha « Pitta ».
Voilà comment, d’une manière très simple, on peut évaluer l’effet d’une plante sur notre physiologie générale, à travers la notion d’« humeurs ».
Bien sûr, d’un point de vue moderne, cette manière de procéder est particulièrement simpliste.
À quoi cela nous servirait-il à notre époque, sachant qu’on est capable de comprendre l’action de telle molécule contenue dans une plante sur tel ou tel tissu ?
Eh bien, je vais vous répondre : à comprendre la nature, et notre lien avec elle, par l’intermédiaire de ce que l’on peut toucher, sentir.
Cette logique ancestrale est un moyen pour nous de réintégrer la nature, de ne plus nous sentir séparés d’elle, et de pouvoir interagir en conscience avec elle.
Illustrons cela avec un exemple concret.
L’achillée millefeuille est une plante très courante dans nos jardins, et bien connue de la phytothérapie.
N’allez pas voir Wikipédia pour le moment.
Si vous êtes certain de bien avoir identifié la plante botaniquement – ce qui n’est pas difficile pour l’achillée millefeuille – écrasez des feuilles entre vos doigts : quelle sensation avez-vous sur la peau ? La plante est-elle très juteuse, grasse, ou bien plutôt sèche ?
Ensuite, tentez un gargarisme avec une infusion de fleurs séchées d’achillée millefeuille. Quel effet allez-vous avoir dans la bouche ?
Je vous donne la réponse : vous aurez la bouche toute sèche.
En effet, l’achillée millefeuille est une plante très sèche. Cette sécheresse lui confère une « astringence », cet effet qui resserre les tissus. Comme bien des plantes astringentes – et c’est particulièrement vrai pour celle-ci – elles « coupent » le sang en l’aidant à coaguler. Elle « chasse » donc l’élément Eau, la qualité liquide d’un tissu.
On en déduit aisément que cette herbe médicinale diminue dans notre corps l’humeur liée à l’élément Eau. C’est une plante toute indiquée pour soulager les douleurs digestives et menstruelles, et pour la circulation.
Allez, pour terminer, je vous propose de sortir faire un tour dans votre jardin, sur votre balcon, ou, si vous vivez en appartement sans balcon, dans le premier parterre non bitumé que vous trouverez, voire dans votre rue, entre deux pierres.
Il y a de fortes chances pour que vous repériez du plantain. Au moins l’une des deux espèces communes du plantain : le grand plantain et le plantain lancéolé. Ne vous tracassez pas à ce sujet, l’une et l’autre espèce présentent des qualités et vertus similaires.
Écrasez une feuille entre vos doigts, tirez-en son jus et étalez-le sur votre peau. Que ressentez-vous ? Une sensation de froid ou bien de chaud ? Attendez une dizaine de secondes et retouchez votre peau. La partie exposée est-elle plus sèche ou au contraire plus grasse, comme si vous veniez de passer une crème ou un baume ?
Allons voir la réponse chez nos Anciens.
D’après Léonard Fuch, un herboriste de la Renaissance, : « Le plantain est de complexion et de température mêlées. Car il a quelque portion aqueuse, froide, et une autre austère et rude, qui est du tout terrestre, sèche, et froide. Par ainsi, il rafraîchit et sèche ensemblement : quant à ces deux qualités, il est du second degré. ».
Non, cela n’est pas du chinois mais du vieux français, et l’ancien vocabulaire des apothicaires !
Je vous donne la traduction et ce qu’il y a à retenir pour le moment.
Le plantain rafraîchit et sèche. On peut d’ores-et-déjà comprendre qu’il calme l’humeur « Feu » en nous, en premier lieu sur la peau. D’où ses vertus « anti-inflammatoire ».
Sa qualité sèche explique son astringence, comme nous l’avons vu au sujet de l’achillée-millefeuille, et donc ses vertus cicatrisantes : sa sève contient une substance astringente qui resserre, referme les tissus. C’est le cas de bien des plantes dites « vulnéraire » qui réparent et apaisent la peau.
Dans un vocabulaire ayurvédique, on peut donc comprendre les choses ainsi : le plantain va diminuer l’humeur « flegme », Kapha, par sa sécheresse, et diminuer l’humeur « bile », Pitta, par sa qualité froide. On peut en conclure à première vue, que le plantain est une plante qui « équilibre » les doshas Pitta et Kapha.
Mais cela ne suffit pas, l’herboristerie ayurvédique ne se limite pas à l’étude des qualités des plantes. Elle prend en compte un facteur essentiel, qui a été globalement délaissé par l’herboristerie occidentale à la différence de l’herboristerie chinoise et indienne : la notion de saveur.
En Ayurvéda, goûter un aliment ou une plante, c’est déjà en connaître les effets sur le corps. Je vous en dis plus prochainement.
Je prépare un grand projet pour vous transmettre tous les secrets de cette magnifique médecine qu’est l’Ayurvéda. Je vous tiendrai informé quand tout sera prêt (c’est pour bientôt !) :
En attendant, je vous souhaite d’expérimenter.
Touchez, sentez, pesez, pressez.
Et voyez comment votre corps, vos sensations réagissent. Si vous avez la peau sèche et que vous mettez une substance sèche sur votre peau, vous allez vivre cette expérience comme désagréable.
Cela donne aussi des indications sur la manière dont les humeurs, c’est-à-dire les éléments, sont équilibrés ou déséquilibrés en vous.
Plus vous retrouverez ce bon sens des Anciens, plus vous pourrez interagir en conscience avec la nature.
C’est ce qu’apporte l’Ayurvéda, et une clef pratique quotidienne, pour agir sur votre santé.
À bientôt,
Morgan Vasoni
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