L’insuffisance cardiaque est un grave problème médical causé par le manque de force du muscle cardiaque (myocarde). Votre cœur ne se contracte plus assez, il ne pompe plus assez de sang. Le sang refoule dans le cœur, des liquides s’accumulent dans les poumons, vous vous essoufflez. En fait, c’est un début de noyade qui peut provoquer un sentiment d’étouffement extrêmement angoissant.
La cause de cet affaiblissement du muscle cardiaque est souvent un problème d’artères coronaires. Ces petites artères qui entourent le cœur pour lui apporter les nutriments pour battre, forment autour de lui une petite couronne, d’où leur nom de “coronaire”. Avec le temps, chez de nombreuses personnes, ces artères se bouchent, se rigidifient, et n’apportent plus assez de sang au muscle du cœur qui s’affaiblit peu à peu. En revanche, à l’intérieur des artères, la pression du sang monte car les artères ne sont plus capables de se dilater normalement. On constate alors une hypertension artérielle.
Les symptômes de l’insuffisance cardiaque sont nombreux car, à partir du moment où votre cœur ne marche plus correctement, c’est le corps tout entier qui se détraque. Vous éprouvez un ou plusieurs des symptômes suivants :
Si votre médecin vous examine et diagnostique effectivement une insuffisance cardiaque, la première chose qu’il vous conseillera sera de faire du sport, doucement au départ pour ne pas risquer une crise cardiaque. C’est un bon conseil.
La seconde chose est qu’il vous mettra immédiatement au régime sans sel.
Le raisonnement est le suivant : plus vous mangez de sel, plus vous avez besoin de boire. Et plus vous buvez, plus vous allez encore gonfler. Vous allez vous charger d’eau, vos poumons vont se charger de liquide, vos jambes vont enfler, et votre cœur, déjà faible, risque de lâcher.
En réduisant la consommation de sel, on diminue l’envie de boire, la pression artérielle baisse un peu, et on espère ainsi soulager le cœur et réduire le risque de crise cardiaque.
Tout cela serait bien beau si, effectivement, cela fonctionnait.
En réalité, il n’existe pas de preuves scientifiques de l’efficacité des régimes sans sel pour prévenir les accidents cardiaques, en cas d’insuffisance cardiaque.
Selon une lettre d’information publiée par l’Université de Harvard (Harvard Health Online), et rédigée par des cardiologues :
“Les cardiologues ont tendance à pratiquer la médecine fondée sur des preuves, pourtant beaucoup de nos recommandations concernant la consommation de sel chez les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque sont fondées sur de simples suppositions. De façon surprenante, il est difficile de dire s’il y a assez de preuves pour affirmer sans l’ombre d’un doute qu’il faille restreindre la consommation de sel (sodium) à moins de 2 grammes par jour, ainsi que le recommandent la plupart des médecins.” [1]
Une revue systématique des neuf études les plus rigoureuses publiées sur le sujet conclut au contraire qu’il n’existe que des indications limitées en ce sens, insuffisantes pour en tirer la moindre conclusion définitive. Ces conclusions ont été publiées en 2018 dans le JAMA Internal Medicine. [2]
Le vrai avantage en réalité du régime sans sel pourrait être qu’il est simple à comprendre, et à imposer à son patient.
Quoi qu’il en soit, le régime sans sel représente un moyen efficace pour les médecins d’obliger leurs patients à, enfin, perdre du poids.
En effet, manger devient une épreuve quand vous n’avez plus le droit de saler vos aliments.
La nourriture sans sel est insipide. Vous n’avez plus envie de manger votre steak, vos frites, ou même vos haricots verts, vos brocolis, ni vos tomates.
Ajouté au fait que l’insuffisance cardiaque provoque souvent des nausées, le régime sans sel conduit les patients à réduire considérablement leurs apports caloriques, avec une perte de poids souvent salutaire.
C’est ce qui se passe à l’hôpital quand vous recevez ce plateau en plastique déprimant de purée tiède avec un morceau de dinde sans sauce. Vous goûtez du bon des dents. Vous préféreriez ne rien manger, ou seulement quelques bouchées, juste de quoi vous couper l’appétit.
Et le régime sans sel est tellement facile pour les cuisines : le personnel de la cantine vous prépare vos repas “adaptés” à votre régime sans faire le moindre effort, ni acheter des aliments particuliers. Il suffit d’omettre le sel ! Pour le reste, on fait tout pareil, mêmes ingrédients bon marché, même préparation hâtive, même présentation bâclée…
Mon opinion cependant, qui ne regarde que moi, est qu’il est cruel et probablement inefficace d’imposer au patient des traitements punitifs, qui le privent de sel dans son assiette mais aussi du sel de la vie.
Je préfère un patient requinqué par un bon repas, qui va y puiser l’énergie d’affronter sa vie et sa maladie, qui lui donnera l’énergie de sortir, bouger, inventer, créer, à un patient écœuré et déprimé par la perspective de ne plus jamais avoir de plaisir à manger.
Ce patient risque bien d’adopter tous les comportements les pires pour une personne en insuffisance cardiaque : rester prostré chez lui, enfermé devant la télé, prendre des médicaments, fumer, prendre un p’tit verre pour se remonter le moral, et régulièrement faire des craquages sur la malbouffe ; se couper progressivement de son entourage car il perd la convivialité des repas qui sont un moment essentiel de socialisation.
Il me semble qu’un tel patient serait plus en danger que celui qui aura mangé du sel.
Dans l’article de Harvard que je citais plus haut, les auteurs, qui sont des cardiologues, écrivent d’ailleurs :
“La vie de nos patients souffrant d’insuffisance cardiaque est déjà assez compliquée comme ça. Il est impératif que nos prescriptions ne contribuent pas à empirer encore leurs vies déjà si difficiles. Notre priorité en tant que médecin devrait être de les orienter vers des solutions qui ont fait leurs preuves. C’est pourquoi nous conseillons à nos patients de prendre nos recommandations avec un grain de sel” (une expression qui signifie, avec du recul, et un poil de méfiance)
Je ne suis donc pas le seul à être de cette opinion. C’est rassurant, certes, mais combien de cardiologues auront le courage de se départir des vieilles habitudes et des consignes officielles ? C’est tellement plus confortable, et sûr, de rester dans le train-train. Le cardiologue ne prend pas de risque, un point d’importance non-négligeable dans un monde où l’on risque les procès en toute occasion, et tant pis pour les petits plaisirs de son malade. Au moins, personne ne risque de jamais de venir embêter un médecin qui aura prescrit un régime sans sel, même si c’était parfaitement inutile.
A votre santé,
Jean-Marc Dupuis
[1] https://www.health.harvard.edu/blog/heart-failure-and-salt-the-great-debate-2018121815563
[2] https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2712563
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bonjour Le biso c G ets-il bon en cas de coronaires bouchées à 80%?
merci beaucoup, ce doc me redonne l’espoir de mettre de la joie dans mon alimentation et donc dans ma vie alors que les médecins me considèrent comme un mauvais sujet parce que je suis malade, je suis fautive !
Intéressant et instructif. Merci, Dr.
Cet article sème le doute chez les malades. Il faut être clair. On prend le sel : oui ou non? L’esprit de l’auteur de cet article paraît sombre. Nous voulons de la lumière pour choisir l’escalier vert ou un autre escalier. On dirait on est devant un criminel déclaré.
Votre article,très intéressant!…Comme d habitude!
Bonjour,
Je ne sais pas si les encadrés ,portant la mention “recommandé pour untel”, qui accompagnent les articles sont de vous ou de l’éditeur mais ils sont en tous cas pires que celles des cardiologues portant sur le sel. Sur quoi vous vous basez pour faire des recommandations ?
Cordialement.