Après des années d’échec de sa campagne « manger 5 fruits et légumes par jour », l’Etat français estime avoir trouvé l’explication.
Si les gens se ruent sur la malbouffe plutôt que sur les épinards et les haricots verts, c’est parce qu’ils manquent d’argent !
Il faut donc les aider financièrement pour qu’ils mangent des légumes.
Ainsi, les personnes défavorisées ne seront plus obligées d’acheter des frites, des pizzas surgelées et des bonbons pour se nourrir.
Cela part d’un bon sentiment.
Mais il y a une chose qui m’inquiète dans ce plan.
Mes enfants invitent régulièrement des petits amis à la maison.
Les légumes sont sur la table. Dans leur assiette même. Mais les petits amis ne veulent pas en manger.
Notez que ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas d’argent pour payer leurs légumes. Valérie et moi ne faisons pas payer leur nourriture aux amis de nos enfants.
Le problème est ailleurs.
Nous avons beau leur dire que les haricots sont des « frites vertes ». Qu’ils sont délicieux au goût, et pas seulement pour la santé. Qu’ils ont le droit d’ajouter autant de jus de citron, d’huile d’olive, d’assaisonnement qu’ils veulent. Ça ne sert à rien. Ils sont écœurés avant d’avoir commencé.
Cela me semble plutôt être un problème « culturel », récemment apparu avec les hypermarchés, les congélateurs et le micro-ondes.
L’autre jour, nous avions une petite fille de CM1 d’une famille qui n’était pas défavorisée.
Nous avions préparé en entrée des avocats et des pamplemousses. Croyez-moi ou non, elle ne connaissait ni l’un ni l’autre de ces produits.
Encore plus fort :
Nous avons eu récemment à table une petite fille de 4e, excellente élève par ailleurs.
Nous nous sommes aperçus qu’elle n’avait jamais vu, ni goûté, d’aubergines de sa vie. C’était la première fois qu’elle voyait ce légume sur une table. Elle n’avait pas la moindre idée de ce que c’était, à l’âge de 13 ans.
En revanche, mais faut-il le préciser, l’une comme l’autre connaissaient toutes les sortes de chips, biscuits, bonbons, glaces et sodas jamais inventés par l’industrie.
Ma crainte, donc, est que ces chèques légumes ne changeront pas grand chose à la consommation de légumes des gens.
Et qu’ils ne soient pas perdus pour tout le monde.
Peut-être les retrouva-t-on au marché aux puces, sur eBay ou sur le site Internet de petites annonces Le Bon Coin : « 100 euros de chèques-légumes vendus 50 euros ! »
Et ils seront rachetés par les gens qui, de toutes façons, ont déjà l’habitude de manger des légumes.
Ce sera un trou de plus dans les budgets publics. Vous allez me dire que, à ce stade, on s’en moque un peu, mais tout de même.
Une idée, en revanche, me paraît très prometteuse pour faire découvrir les légumes aux enfants.
Une école de New-York, aux Etats-Unis a mis en place un potager géré par les élèves. [1] Les récoltes sont ensuite utilisées pour approvisionner la cantine.
Le résultat est formidable : bien que la portion de légumes proposée par le self-service soit restée la même, les élèves choisissaient naturellement les produits qu’ils avaient cultivés, multipliant ainsi par quatre leur consommation de légumes.
J’ai constaté la même chose avec mes enfants qui bouillent d’impatience de récolter (et manger !) les radis, carottes (qu’ils croquent crues encore pleine de terre, à peine essuyées à leurs vêtements) qu’ils ont eux-mêmes semés. Et je ne parle évidemment pas des fraises, des framboises ni des cerises et des pommes du jardin : là, il faut leur interdire de tout prendre !
Plutôt que de donner aux gens des chèques-légumes, ma suggestion serait plutôt de leur faire re-découvrir le bonheur de cultiver ses salades, ses courgettes – et de les manger, en encourageant les « jardins familiaux » (la nouvelle appellation des ex-jardins ouvriers).
Ceci dit, il est de toute façon inexact de dire que les fruits et légumes coûtent plus chers que la nourriture industrielle.
Des calculs ont été réalisés qui montrent que se nourrir de choux, céleri, poireau, carotte, oignon, navet, haricots, était moins cher que les plats préparés et la malbouffe. [2]
Au cas où vous ne seriez pas convaincu, voici huit astuces intéressantes pour manger des légumes sans vous ruiner, même si vous n’avez pas de potager :
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
Sources de cet article :
[1] Brian Wansink, Andrew S. Hanks, David R. Just. A plant to plate pilot: a cold-climate high school garden increased vegetable selection but also waste. Acta Paediatr. 2015 Apr 17
[2] Les fruits et légumes à bon prix
[3] « Gueules cassées » : les fruits et légumes moches bientôt vendus à l’étranger
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Je suis tout à fait d’accord avec vos conseils en fin d’article. Pour ma part, j’achète de plus en plus de produits (bios ou en agriculture raisonnée) au marché de ma commune et j’y gagne : – pommes 2 à 3 fois moins chères qu’au supermarché : cela m’a permis de découvrir des variétés que je ne connaissais pas et de varier – viande : meilleure qu’au supermarché et pas plus chère – œufs, poulet, miel, farine, fromage : délicieux, j’ai découvert de multiples miels et mes enfants adorent sur les tartines – légumes : cela m’a permis de découvrir… Lire la suite »
Bonjour cher Jean-Marc, Oh combien vous avez raison ! Je ne peux m’empêcher de vous raconter l’expérience de ma fille. Elle a eu l’idée avec une autre maman parent d’élève de mettre en place un atelier « JARDIN GOURMAND». L’idée était de faire découvrir les produits du jardin aux écoliers en cultivant avec eux un potager et en cuisant tous ensembles les légumes récoltés. Elle jardine avec les enfants de l’école maternelle qui sèment et plantent des légumes dans le jardin de l’école. Ils l’arrosent avec amour et en prennent grand soin. Ils participent donc de la plantation à la… Lire la suite »
Bonjour, LE grand problème est le point de départ dans l’éducation au(x) goût(s) des choses depuis l’enfance, j’en veux pour preuve, ma fille, âgée de 8 ans, qui n’a jamais eu de petits pots industriels, ni de produits transformés. Et qui se régale d’épinards et autres légumes que certains trouveraient repoussants. Ni fast food etc.. Bien sur que cela prend du temps, mais c’est du temps plaisir. Pour moi c’est le point de départ dans l’apprentissage qui est fondamental et il est impératif d’apprendre à nos enfants à dire “non” à ce qui est mauvais et manger les produits de… Lire la suite »
Personnellement je suis pour le “chèque légumes”. Bénéficiant de l’ASS (16,25 € par jour) et encore 2 enfants à charges, la banque alimentaire ne donne que des pâtes, du riz, du couscous en boîtes, des lentilles en boîtes, …. et aucun légumes. Contrairement à ce que l’on dit couramment, chez moi les légumes sont chers et je n’aime pas trop les féculents. Je préférerai que l’on me donne des légumes, des salades, car les féculents ne sont pas chers et ceux-ci je peux plus facilement me les acheter . Le fait que les enfants ne connaissent pas certains légumes est… Lire la suite »
Bonjour, j’ai une amie orthophoniste qui constate tous les jours que les enfants ne connaissent pas les légumes.
Elle les fait travailler sur des “jeux et puzzles” où il y des animaux de la ferme, des légumes du potager, les fruits … elle constate que la plupart des enfants qui lui sont confiés ne les reconnaissent pas !!
J’ai des petits enfants (7 et 9 ans) qui raffolent des épinards crus, des carottes râpées , fenouil … ils aiment nous “aider” à les préparer. Comment faire bouger les choses ? Merci pour vos articles.