Le laboratoire d’étude dynamique du cerveau de l’université de Chicago a recruté des volontaires pour tester une pilule agissant contre… la solitude.
Cette pilule contenait de la prégnénolone, une hormone produite par nos glandes surrénales (les glandes que nous avons sur les reins).
En effet, la prégnénolone réduirait la peur et les réflexes de défense, ce qui aiderait les personnes souffrant de solitude à s’ouvrir aux autres.
La solitude est en effet un risque majeur pour la santé : elle augmente plus le risque de maladie et de décès que l’obésité, la cigarette ou l’alcool.
Des chercheurs ont injecté de la prégnénolone à des souris et se sont aperçus que la prégnénolone réduisait les réactions de peur exagérées.
Or, la solitude renforce les réflexes de défense. La peur d’être attaqué, blessé par les autres, s’exacerbe. Les personnes deviennent plus attentives aux signes qu’elles interprètent comme de l’hostilité. Elles se concentrent sur leurs impressions négatives et ont plus de mal à interpréter correctement les attitudes des autres.
Cela pose un gros problème, car cela complique les rencontres et l’établissement de relations saines et bienveillantes.
Atténuer les réactions de peur, c’est accroître les chances que la personne sorte de la solitude.
Les participants à cette étude avaient été sélectionnés en répondant aux questions suivantes :
Leurs réponses à toutes ces questions : « Oui, toujours. »
Et, malheureusement, il n’a pas été difficile de les trouver.
Le nombre de gens qui disent n’avoir strictement personne à qui parler a triplé aux États-Unis depuis 1985.
En Angleterre, 60 % des gens déclarent que leur animal domestique est leur premier et principal contact avec un être vivant.
En France aussi, la solitude est un fléau, qui touche en particulier les personnes souffrant d’une maladie ou d’un problème de santé chronique, qui sont 32 % à se sentir seules [1].
« La solitude rend irritable, déprimé, centré sur soi-même, et elle est associée à une hausse de 26 % du risque de mortalité précoce », selon une étude publiée l’année dernière dans The Lancet [2].
C’est donc un vrai problème de santé publique.
Mais, pour tout avouer, je ne suis pas convaincu que prendre un médicament, fût-il à base d’une hormone naturelle (la prégnénolone), soit la solution.
Car la solitude est un problème profond, qui tient :
Sur le premier point, on ne peut pas faire grand-chose. C’est l’époque qui veut ça.
Sur le second point, en revanche, il y a plusieurs choses à dire – et à faire.
Commençons par l’apparent paradoxe suivant : les personnes qui souffrent de solitude se sentent aussi seules lorsqu’elles sont entourées.
Leur sentiment d’isolement va même empirer au milieu d’un événement social, d’une soirée entre amis, ou même d’une réunion de famille.
Elles ne parviennent pas à considérer les gens autour d’elles comme des relations à créer ou à approfondir, des personnes intéressantes qui seraient heureuses de faire connaissance avec elles, des amis potentiels.
Au contraire, elles souffrent de ressentir les autres comme des menaces, des preuves vivantes de leur inadaptation à la vie en société :
« Tous ces gens qui m’entourent n’ont pas besoin de moi… Ils ne me posent aucune question… Ils ne s’intéressent pas à moi… D’ailleurs, ils ne me regardent pas… Ils ne me remarquent même pas… Cela prouve que je suis condamné à rester toujours seul, incompris, rejeté. »
Pour éviter d’être confrontées à leur peur du rejet et de la solitude, elles vont se recroqueviller, ou même fuir.
Si, par hasard, quelqu’un s’approche pour lui parler, la personne souffrant de solitude aura le sentiment pénible qu’on s’intéresse à elle « pour lui faire plaisir » et, au fond, parce qu’elle « fait un peu pitié ».
En effet, se considérant elle-même comme un fardeau, un « boulet » comme disent nos jeunes, elle estimera que c’est un malentendu, une erreur sur la personne.
Sa réaction sera alors de la timidité, de la confusion, une incapacité à répondre, à engager la conversation, par peur de déranger l’autre, de lui prendre du temps et de dire quelque chose d’idiot qui révélera au grand jour son inadaptation.
Devant cette réaction, la personne en face risque fort de se décourager et de se détourner, confirmant le sentiment de rejet.
C’est ce qu’on appelle une « prophétie autoréalisatrice » : vous faites une prédiction, et la prédiction se réalise… parce que vous aviez fait la prédiction et que cela avait entraîné de votre part une attitude particulière.
Les personnes souffrant de solitude ont plus tendance à interpréter les regards et les sourires comme moqueurs, condescendants et hostiles.
C’est ce que les psychologues appellent le phénomène des « projections ».
En effet, à l’intérieur de nous-mêmes, nous entretenons un dialogue, comme si nous étions deux personnes à la fois : l’une qui juge, l’autre qui est jugée. Si vous avez en permanence une voix à l’intérieur de vous qui vous dénigre, vous critique, alors vous imaginerez beaucoup plus facilement que c’est ce que font les autres. Vous « projetez » sur elle les pensées que vous avez au sujet de vous-même.
Or, qui dit sentiment d’être moqué, critiqué ou attaqué, dit réaction de fuite ou d’hostilité.
C’est donc à nouveau un cas de « prophétie autoréalisatrice », où la personne qui souffre de solitude se retrouvera seule parce qu’elle aura imaginé que les autres sont hostiles avec elle, en interprétant mal leurs comportements.
Comment font ces personnes qui, débarquant n’importe où, font aussitôt connaissance avec tout le monde, et savent se faire apprécier en toutes circonstances ?
Ce sont les personnes qui osent regarder leurs propres blessures, avec courage et bienveillance.
Elles se rendent compte qu’elles sont imparfaites, elles l’acceptent, acceptent d’en rire et que les autres s’en rendent compte aussi.
N’ayant plus peur que leurs faiblesses soient découvertes, puisqu’elles savent qu’elles sont visibles et qu’elles acceptent de vivre avec, leur énergie peut se tourner vers les autres. Elles peuvent plus librement se servir de leur cerveau pour observer les autres, les comprendre, et essayer de leur apporter ce dont elles ont besoin, ce qui peut être un sourire, une parole gentille, un geste attentionné.
Ramasser un objet qui vient de tomber, faire remarquer à quelqu’un qu’il vient d’oublier quelque chose, céder sa place avec un grand sourire et quelques mots montrant qu’elle s’intéresse…
Par exemple, cette personne marche sur un parking et passe à côté d’une voiture qui peine à se garer. Plutôt que de la contourner, ou de râler, elle s’arrête, fait un grand sourire à la conductrice, se place pour l’aider en faisant de grands signes avec ses bras. Lorsque la manœuvre est terminée, elle fait mine d’applaudir, tout en riant, et manifeste son authentique admiration : « Bravo, vous avez réussi à vous garer dans un mouchoir de poche, ce n’était pas facile ! »
La conductrice est enchantée. Elle se sent valorisée, éprouve une sincère reconnaissance pour cette personne qui non seulement l’a aidée sur le plan pratique, a su comprendre qu’elle était en situation délicate, mais se montre en plus admirative et la soulage d’un éventuel sentiment d’infériorité.
Puis cette personne fait ses courses au supermarché. À la caisse, la cliente qui la précède a oublié sa carte de crédit, toute la queue est bloquée. Plutôt que de se mettre en colère, faire monter les tensions, elle dit : « Comme cela doit être difficile pour vous. Il m’est arrivé la même chose qu’à vous il y a quelques jours, et je peux vraiment bien vous comprendre. Tout le monde me regardait de travers et je me sentais terriblement gêné ! Mais ne vous inquiétez pas, je vais vous aider à remettre vos articles dans le caddie, ainsi la caissière et les autres personnes dans la queue ne s’impatienteront pas. »
Etc.
Le secret, c’est l’empathie, autrement dit la capacité à comprendre que les autres peuvent être en difficulté, souffrir, y compris quand ça ne se voit pas et quand nous-mêmes ne serions pas du tout gênés à leur place.
Identifier la chose qui embête la personne, et lui apporter exactement ce dont elle a besoin, permet de déverrouiller les cœurs, de détendre les visages, de faire naître des sourires sur les lèvres.
À force d’agir ainsi, tout naturellement, on tombe sur des personnes qui sont contentes de nous avoir trouvés sur leur chemin, et qui souhaiteront à leur tour se montrer prévenantes, intéressées par notre cas, et avec qui il sera possible de développer une amitié réciproque.
À force de prendre l’habitude de faire attention aux personnes qui nous entourent, de repérer celles qui ont besoin d’aide, ou qui pourraient avoir besoin d’aide, et de se proposer spontanément pour aider, sans insistance, mais avec joie et bienveillance, l’habitude d’interagir avec les autres renaît.
Car, bien entendu, il y a là un « savoir-faire ».
On parle d’intelligence émotionnelle et d’intelligence relationnelle. L’habitude d’être en relation avec ses semblables se travaille, pour parvenir à se comporter de façon normale, sans en faire trop, ni trop peu.
Il faut chercher des occasions de s’entraîner à cela, et accepter de se « planter » quelquefois, surtout au début, ce qui voudra dire recevoir des remarques désagréables, rencontrer de l’indifférence et des mauvais coucheurs.
Une peur excessive de l’échec est très problématique, car elle empêche de s’entraîner, et donc de progresser.
Comme un jongleur qui chercherait à jongler avec des balles, mais qui ne voudrait pas prendre le risque d’en laisser tomber une par terre. Ce jongleur n’a alors pas d’autre choix que de les tenir toutes fermement dans ses mains, et donc de renoncer à apprendre à jongler.
C’est pourquoi j’ai commencé par dire que les personnes sympathiques et sociables sont celles qui ont commencé par se regarder avec toutes leurs imperfections, et à se reconnaître comme telles : vulnérables, imparfaites, ridicules même, sous certains aspects. Mais aussi avec certaines qualités, qu’elles ont décidé de développer, pour les mettre au service des autres, et donc nouer de bonnes relations.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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J’ai toujours eu naturellement ce comportement que vous nous invitez à avoir, et très régulièrement des gens veulent être mes amis… au point pour certains de s’imposer dans ma vie, de faire le forcing, de devenir des boulets pour moi… Dans la majorité des cas ces personnes semblent n’apprécier et ne rechercher en moi que le fait que je les valorise. Elles semblent me considérer comme un distributeur de nourriture pour leur ego, comme un outil à utiliser à leur avantage. Bien trop souvent elles ne me respectent pas, veulent m’imposer leurs envies sans tenir compte des envies et besoins… Lire la suite »
Comme Lise, vos articles me plaisent beaucoup. Je fais en partie tout ce que vous dites, les exemples que vous donnez, je les pratique régulièrement et suis apprécié par les gens, mes proches, mes voisins, les commerçants, etc. Je n’ai donc pas le SENTIMENT de solitude, mais je SAIS que nous sommes seuls, ce que je nomme la solitude ontologique, celle qui fait que nous sommes enfermés dans notre peau et n’avons pas un accès DIRECT à ce que les autres vivants éprouvent, nous ne savons pas ce qu’éprouve une abeille quand elle butine, etc. Et à cette connaissance, je… Lire la suite »
Quand, à la retraite, je suis venue m’installer dans un petit village des Pyrénées, tout le monde dans le Nord m’a dit: tu verras, tu ne seras jamais acceptée etc. 6ans plus tard, je connais bcp de monde, je participe à des associations (bibliothèque, gym hors Covid) et j’ai même été élue au Conseil Municipal. Selon ma sœur, ”je suis un bel exemple d’intégration”. Cela m’a bcp aidée d’avoir un chien Yorkshire promené sans laisse , ce qui permet aux autres de venir me parler. C’est peut-être plus facile quand on est une femme!
Bonjour je suis comme Christine, je vais vers les autres, toujours à rendre service. Mais les gens en profite aussi. Je suis de nature solitaire mais pas non plus à me couper du monde. Je suis mariée et ai 2 grands enfants. Cependant La solitude n’ai pas réglé seulement en rencontrant des gens. Je fait beaucoup de bénévolat et oui je rencontre du monde qui eux attendent quelque chose de moi dans la tâche qui m’est attribuée. On attend de trouver plus comme un soutien, un ami(e) pour partager ensemble la vie avec tout ce qu’elle apporte. Et c est… Lire la suite »
Vraiment génial votre réflexion sur la solitude. On souffre physiquement comme d une autre maladie. MAIS IL VAUT MIEUX ETRE SEUL QUE MAL ACCOMPAGNÉ. Je ne sais pas si un médicament peut y remédier. Il faut trouver des parades : par exemples sortir dehors et trouver un sujet de conversation avec des personnes que l on croise dans un magasin par exemple. Chaque jour est une lutte.il y a dicton : à deux on est des dieux.
Monsieur DUPUIS vos lettres du dimanche me plaisent beaucoup et pour ceux que ça intéresse on peut trouver de la pregnenolone d’excellente qualité je dirais même de première qualité sur le site SUPERSMART que je connais depuis 25 ans. Elle n’est pas préconisée que pour la sphère empathique. Zéro publicité.