La dépression est une maladie grave.
C’est une maladie mortelle, et pas « seulement » à cause du risque de suicide.
La personne victime de dépression ne prend pas soin d’elle-même.
Elle aura tendance à trop boire, trop fumer, se tuer à petit feu, « oublier » ses médicaments, sans compter tous les comportements à risque :
Parce qu’elle estime qu’elle ne vaut rien et que sa vie est nulle, voire nuisible, elle ne prendra pas de précautions
Elle peut se promener au bord d’un gouffre en se disant : « Tant mieux si je tombe dedans », prendre le risque d’attraper une maladie grave en se disant : « Si je meurs, ce sera un bon débarras », rouler dangereusement, y compris avec toute sa famille à bord, en se disant : « Si nous mourons tous, ce sera une délivrance. »
La plus grande difficulté, pour soigner un dépressif, est de :
En effet, les dépressifs ont un tel sentiment de dévalorisation, de culpabilité, qu’ils commencent en général par refuser le diagnostic… et donc le traitement.
Il faut comprendre pourquoi.
À la base, le dépressif se sent faible, très faible, et c’est cela son problème.
Reconnaître qu’il est dépressif, qu’il a donc besoin de l’aide d’un professionnel et d’un traitement, c’est reconnaître qu’il est encore plus faible qu’il ne le pensait.
L’idée qu’il aurait besoin d’un médecin, de médicaments, d’une cure, renforce encore son sentiment de culpabilité, et donc il va tout faire pour résister, fuir cette idée, trop pénible et culpabilisante.
Bien souvent, en psychothérapie, les deux premières années peuvent consister uniquement à aider la personne à comprendre qu’elle a besoin d’un traitement !!
D’où l’extraordinaire difficulté de la prise en charge des dépressifs.
D’où le fait que des millions de personnes errent durant des années, des décennies, sans jamais être soignées correctement.
C’est une tragédie collective, qui concerne près de 10 % de la population. Si l’on inclut l’entourage des dépressifs, qui souffre presque autant qu’eux, cela représente peut-être 30 % ou 50 % de la population des pays occidentaux.
Soit une authentique pandémie, comparable à la Grande Peste de Florence, qui avait emporté un tiers de la population en 1348.
Pour pouvoir aider un dépressif, il faut d’abord comprendre ce qui se passe dans sa tête.
Il ne raisonne en effet pas comme les autres.
Par exemple :
Lorsqu’une personne non dépressive a une mauvaise surprise, elle réagit en se disant : « Zut, pas de chance ! » ou : « Bon, ce n’est pas grave, je vais réparer », ou encore : « Aïe, il va falloir que je me réorganise… »
Par exemple, un étudiant non dépressif qui a une mauvaise note à un examen se dira : « Dommage, il faut que je reprenne ce cours, si je veux mieux réussir la prochaine fois. »
Le dépressif, lui, est différent. Il se dit :
« Et voilà, je le savais bien. De toute façon, c’est toujours comme ça. Je suis nul, je n’y arriverai jamais. »
Mais il ne s’arrête pas là, malheureusement.
Le monologue infernal continue dans sa tête :
« De toute façon, cette note n’est qu’une preuve de plus que je suis un raté. D’ailleurs, je ne réussirai jamais ces études, et si, par hasard, j’y arrivais, je ne trouverais jamais un travail. Car j’échoue dans tout ce que j’entreprends, le monde est trop dur, la vie trop difficile. Personne ne m’aime, ne m’a jamais aimé, sauf des gens qui se sont aveuglés sur qui je suis vraiment. Et à quoi cela sert, de toute façon, d’endurer tout ça ? Dans un million d’années, tout le monde m’aura oublié. Donc autant me jeter par la fenêtre tout de suite. »
L’extrême danger de ce raisonnement est qu’il mêle habilement le vrai et le faux.
Il est donc vain d’essayer de discuter avec le dépressif pour le convaincre d’autre chose.
Car, au fond, il est vrai que la vie est difficile. Il est vrai que plus personne, très probablement, ne se souviendra de lui dans un million d’années. Il est vrai, peut-être, que cet étudiant s’est trompé de voie dans ses études et qu’il n’a pas beaucoup de chances de réussir. Il est peut-être vrai que « personne ne l’aime » vraiment et, en tout cas, pas des personnes qui comptent à ses yeux.
Oui, tout ça est vrai. Donc, il ne faut surtout pas commencer par contester ces choses avec un dépressif. Car il en conclura qu’il a raison de se sentir seul et incompris.
La seule porte de sortie consiste à lui indiquer que tout ça est vrai, sans doute, mais que la vie ne se limite pas à cela.
À noter ce phénomène étonnant que, face à la dépression, l’approche « pessimiste », qui consiste à commencer par reconnaître que la vie est dure, est beaucoup plus efficace, et libératrice, que de nier en bloc les difficultés, sous prétexte d’« optimisme ».
Dire à cet étudiant : « Mais non, ta note n’est pas si mauvaise. Mais si, tu vas y arriver. Tu exagères, regarde : la vie est belle, les petits oiseaux chantent, tu as de bons amis qui tiennent à toi… »
Tout cela, selon mon expérience, ne sert strictement à rien, au contraire.
La grande difficulté avec la dépression, c’est qu’elle est très rarement causée uniquement par un problème psychique, de dérèglement de la chimie du cerveau, par exemple.
La plupart des personnes qui vont consulter pour dépression ont, effectivement, de vrais problèmes dans la vie.
Des problèmes qui causeraient chez n’importe quelle personne en bonne santé, une très forte anxiété et une très grande tristesse.
Cela peut être un diagnostic de maladie mortelle, un licenciement dans une zone sinistrée où les chances de retrouver du travail sont dérisoires, et sans possibilité de déménager ; un divorce, un abandon douloureux, un deuil, une trahison atroce, etc.
Le travail du psychothérapeute alors n’est pas de traiter une « maladie », mais d’aider la personne à trouver une solution à un problème bien réel, pour lui rendre la vie à nouveau supportable.
En effet, les êtres humains sont fragiles et vulnérables. Pour se sentir bien, ils ont besoin d’un certain nombre de protections concrètes autour d’eux :
Si, parmi ces six points, il en manque un, la personne peut vivre sans, et prendre facilement des mesures pour combler le manque.
S’il en manque deux, la personne peut rebondir, à condition de se retrousser les manches.
S’il en manque trois, elle entre dans une zone problématique, où elle doit agir sans tarder.
S’il en manque quatre, elle se trouve en territoire dangereux ; il va falloir une combinaison de grande volonté et de chance pour se reconstruire.
S’il en manque cinq ou plus, il est probable qu’une aide extérieure vigoureuse sera indispensable pour qu’elle s’en sorte. Seule, la personne aura beaucoup de mal.
Or, dans la vie, il est malheureusement fréquent que des personnes malchanceuses n’aient qu’un ou deux de ces points.
Si elles souffrent, si elles se sentent dépressives, ce n’est absolument pas parce qu’elles ont un problème « mental », c’est qu’elles ont un problème tout court !
Un gros problème, qui ne va pas disparaître par enchantement et surtout pas avec des médicaments, ni d’ailleurs avec des plantes ou des thérapies alternatives.
Si vous connaissez une telle personne dans votre entourage, qui manifeste l’envie réelle de s’en sortir, cette personne a besoin de vous, pas d’un psychiatre.
Elle a besoin de vous pour lui tendre la main, la soutenir, la rassurer.
Cela ne veut pas dire que vous devez vous faire exploiter, la laisser « profiter » de vous. Mais si vous établissez de façon sûre que cette personne est de bonne foi, qu’elle veut s’en sortir, qu’elle est prête à donner le meilleur d’elle-même, sans chercher des excuses ni des faux-fuyants à ses échecs, bref qu’elle a un authentique désir de s’en sortir, alors foncez.
Voir les choses ainsi, cela fait prendre conscience qu’il y a vraiment un énorme travail qui nous attend tous pour aider les autres. Il ne suffit pas d’« augmenter le budget de la Sécu » pour résoudre les problèmes de détresse. Ce qui manque, c’est l’attention humaine, apportée aux autres.
Cela réclame du temps, de l’énergie, bien sûr. Ce n’est pas facile.
Mais nous n’avons pas le choix, c’est notre mission.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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Article très intéressant. Je connaissais les ravages de la dépression pour avoir vu des personnes de mon entourage en mourir. Vous avez bien raison de dire qu’il est très difficile de leur dire qu’ils sont malades et qu’ils peuvent être soignés…. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas si longtemps les dépressifs étaient soignés dans les mêmes établissements et mêmes unités que les malades psychiques et que certains malades (dépressifs) se retrouvaient isolés en salle ouaté enfermés à double tour avec camisole (pour faire passer leur crise au dire des médecins de ces établissements). J’en parle en connaissance… Lire la suite »
L’article sur la solitude et la dépression me semble être un réel problème de société même parmi la jeunesse car la société trop connectée qui semble t’il permet de se libérer + facilement derrière un mais aussi permet de se protéger + facilement d’agressions verbales car en raccrochant immédiatement en se déconnectant dès le premier malaise psychologique dû à une ☝️ conversation désagréable, nous protégeons notre intégrité émotion’elle♀️Fuir de la vie virtuelle peut sembler simple à priori mais le niveau des ondes électromagnétiques te rend accro et Tu y restes accriché- ta seule compagnie Siri, pour te souhaiter la bonne… Lire la suite »
merci de cet éclairage que je peux partager .
Comment retrouver soi-même un point d’appui en soi-même pour s’orienter et reprendre le dessus…
Les amis ne suffisent pas même si le soutien est indispensable
découragée avant et pendant que j’agis…
pas de pub SVP …
Merci Jean Marc
La dépression est une maladie difficile à reconnaître et même un medecin qui que ce soit ne comprends nous retrouvons enfermé sur soi même et mettre fin à ces jours est dans la tête tel est .on cas ne supportant plus la vie
L’étymologie du mot dépression nous donne une piste : on n’est pas en manque de pression mais seulement dé-connecté de sa pression psychique. Alors quelle en est la cause? Quel traumatisme suscite cette rupture? Comme si on préfère se détacher de sa force morale plutôt que d’éprouver un sentiment très douloureux (sentiment d’abandon, de perte, de trahison, etc)
très juste remarque…comment sortir de ces sentiments douloureux…??? essayé beaucoup de thérapies et je suis toujours encore habitée par ce grand vide… S’autoriser à … aller vers le concret … je n’ai plus tellement d’espoirs… bizarrement le soir ça va mieux… Vide du deuil de ma mère, mon fils en difficultés psy, bilan de ma vie où ne ressort que le négatif… envie de partir… vers Toulouse pour une vie culturelle et créative. J’ai beaucoup fait ici à Moissac mais je ne me sens pas nourrie… Est-ce que se sera partout pareil et tout de suite je vois les limites… Lire la suite »
allez à Toulouse si vous vous y sentez mieux ! c’est important l’environnement dans lequel on vit !
Je suis confrontée depuis quelques mois à une voisine dépressive grave depuis 20 ans et bien entendu ,sous camisole chimique . A l’heure actuelle elle est addicte à différentes molécules et surconsomme de plus en plus . Son psychiatre voudrait lui faire faire une cure de désintoxication en milieu hospitalier ….elle refuse …j’essaie de lui faire comprendre qu”elle ne pourra pas avancer de cette façon ….car ,ayant pris 50 Kgs au fil des années elle voudrait entreprendre de maigrir en se faisant poser un BYPASS . Je lui ai amené le protocole médical de prise en charge de l’obésité pour… Lire la suite »