Le 15 juin 2020 commencera ENFIN la commercialisation officielle du médicament Baclocur (baclofène) pour traiter l’alcoolisme.
Les autorités françaises auront eu besoin de 27 ans pour aboutir à cette autorisation.
Vous vous souvenez peut-être du début de cette affaire qui a traîné en longueur sur des décennies, alors que plus de cent personnes meurent chaque jour en France à cause de l’alcool [1] :
En 1993, le Pr Kruptisky de Saint-Pétersbourg testa pour la première fois le baclofène contre l’alcoolisme.
Il s’agissait d’un médicament ancien, découvert en 1962, utilisé contre l’épilepsie et comme décontractant musculaire, et agissant sur les “récepteurs d’alcool” dans le cerveau.
D’autres études, menées en Italie au milieu des années 2000, ont confirmé les effets bénéfiques du baclofène, pour supprimer chez les alcooliques le besoin de continuer à boire.
Puis ce fut, en 2008, la parution de l’autobiographie du Dr Olivier Ameisen, cardiologue, qui fit connaître le baclofène au grand public.
Le Dr Olivier Ameisen expliquait sa descente dans l’enfer de l’alcoolisme. Après avoir tout tenté pour sortir de cet esclavage, il avait testé, en désespoir de cause, le baclofène allant jusqu’à dix fois la dose maximale autorisée.
Et c’est alors qu’il avait enfin atteint le but inespéré, le rêve de tous les alcooliques : un authentique désintérêt vis-à-vis de l’alcool. Une forme de détachement, permettant de boire un verre sans que celui-ci n’en appelle un autre, jusqu’à finir la bouteille.
En avril 2013, une centaine de personnalités, dont le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité national d’éthique, lancèrent un grand appel en faveur d’une “libération du baclofène”. 50 0000 personnes malades alcooliques étaient en effet sous “sous baclofène” à cette époque, sans que l’indication ne soit reconnue par l’Agence du Médicament.
Le Dr Olivier Ameisen prenait 270 mg/jour de baclofène. La posologie maximale autorisée aujourd’hui est de 80 mg/jour, sans doute insuffisante pour obtenir des résultats.
Le traitement par Bacloclur “ne devra s’envisager qu’après échec ou impossibilité d’utiliser les autres traitements médicamenteux disponibles”, et être instauré progressivement, selon les consignes de l’Agence du Médicament.
Oui, le baclofène peut être fatal pour des doses au-delà de 1250 mg, mais imposer de telles restrictions ne me paraît pas être à la mesure de l’extrême gravité de la “maladie alcoolique” qui, elle aussi, tue.
Si les alcooliques ont tant de mal à arrêter l’alcool, c’est parce que l’alcool est très efficace pour procurer de la joie, du rire et de l’oubli, quelles que soient les circonstances, et y compris si vos conditions de vie sont dramatiques.
En fait, l’alcool fonctionne partout pour vous permettre de vous évader du réel, que vous soyez au chômage, sous un pont, au fond d’une mine ou en prison.
Et c’est là tout le problème : son efficacité.
Sur le court terme, l’alcool marche. Et les alcooliques le savent bien.
Comme le chantait Jacques Brel dans sa terrible chanson « L’ivrogne » :
Non je ne pleure pas
Je chante et je suis gai
Mais j’ai mal d’être moi
(Vous pouvez l’écouter ici : https://www.youtube.com/watch?v=YeJjEezqi1I)
L’ivrogne de Jacques Brel sait que, grâce à l’alcool, il va pouvoir « retrouver des amis et des rires».
L’alcool met des couleurs sur une vie triste, désespérée. Il transforme une pièce sordide, avec des amis alcooliques qui souffrent autant que soi, en un lieu de fête.
Le problème évidemment est que l’alcool, qui paraît d’abord être un bon ami, se transforme ensuite en votre pire ennemi. Lorsque le piège se referme, il devient extrêmement difficile d’en sortir.
Mais de très beaux témoignages d’espoir existe, comme celui de Laurence Cottet, que je vous invite à regarder sur le site de l’Express : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/laurence-cottet-elle-a-vaincu-l-alcool_2025250.html
Ce qu’il y a de plus difficile pour l’alcoolique n’est pas d’arrêter de boire, c’est de réapprendre à vivre sans le soutien de l’alcool.
Il perd toutes ses consolations. Désormais lucide, conscient, il est assailli par tous ses chagrins, ses deuils, ses échecs, la catastrophe de la vie : qui va lui donner la force d’affronter tout cela, plutôt que de se remettre à boire, pour oublier ??
Tels sont les véritables et effrayants défis qui attendent l’alcoolique qui aura décidé de tourner la page.
Si vous ajoutez à cela de très probables soucis de santé graves (problèmes cardiovasculaires, cirrhose du foie, cancer digestif), une probable ruine financière, une carrière professionnelle détruite, un couple et une famille perdus, on comprend que ce n’est pas le ministère de la Santé avec ses campagnes d’information qui peut aider ces personnes à sortir d’une si grave situation.
Non, la solution, une fois de plus, n’est pas à chercher du côté de la technique, de la chimie, ni des aides sociales en tout genre.
La solution ne peut venir que par le double mouvement :
→ d’une part, d’un effort surhumain de la personne victime d’alcoolisme, qui comprend ce qui lui arrive, décide de s’en sortir, et affronte avec courage les terribles épreuves qui l’attendent. Ce mouvement ne peut se produire que si la personne comprend que la vraie joie ne peut venir que du fait de prendre ses responsabilités et d’assumer les défis de l’existence, de prendre sur soi les souffrances et d’encaisser les frustrations, quelles qu’elles soient, et que le fait de chercher à les fuir ou à les oublier ne peut que rendre ces souffrances encore pires ;
→ d’autre part, de l’aide d’une personne énergique et dévouée, qui va porter sur la victime d’alcoolisme un regard profondément aimant afin de la soutenir, de l’encourager et de fêter avec elle chaque victoire, aussi infime soit-elle, dans son combat.
Sur ce second point toutefois, il faut avoir conscience que cette aide, cet amour, ne peuvent malheureusement pas fonctionner si l’impulsion ne vient pas d’abord de la personne alcoolique elle-même.
Comme toujours, la première condition pour guérir est d’abord que la personne souhaite guérir.
Il faut pour cela qu’elle prenne conscience qu’elle est malade, qu’elle décide de se soigner et qu’elle comprenne que le but, à savoir la vie quand elle sera guérie, est préférable à son état actuel.
Ce point-là est très problématique, parfois ou souvent insoluble.
Une personne qui aura, d’une part, beaucoup souffert dans la vie, qui aura été abandonnée, trahie, blessée, et qui, d’autre part, se sera convaincue qu’il n’y a de toute façon aucun espoir dans ce monde, aucune voie pour aller mieux, ne pourra pas être aidée par quelqu’un d’autre, aussi aimant soit-il.
Au contraire, il y a un risque que ce soit la personne alcoolique qui « gagne ». Qui parvienne à convaincre le bon Samaritain qui s’est arrêté pour l’aider, de désespérer lui aussi de l’existence, et de l’entraîner à boire !
La situation est alors hautement dangereuse. La plus grande prudence est de mise. Surtout dans un couple ou une famille.
Vu les dangers auxquels le conjoint ou les enfants non alcooliques se trouvent confrontés (accident domestique, accident de la route, violence, ruine financière, etc.), la priorité est alors de préserver les membres de la famille qui peuvent l’être.
Cela peut impliquer de douloureuses séparations, qui ne sont pas des abandons égoïstes et malveillants de la part de ceux qui partent, mais le seul moyen de limiter le nombre de victimes.
Pour empêcher que la personne qui coule n’entraîne les autres avec elle, à partir du moment où il est établi qu’elle ne leur donnera pas la possibilité de la sauver.
Ce passage est très difficile, mais parfois incontournable.
Il rappelle la règle des sauveteurs en mer, qui risquent leur vie pour sauver les autres.
Lorsqu’une personne qui est en train de se noyer fait de grands mouvements de panique, le sauveteur doit avancer les pieds en avant, pour se défendre.
En effet, le danger est que la personne qui panique s’accroche si fort au sauveteur que celui-ci ne pourra plus surnager.
Le message est clair, et c’est le suivant : « Je suis là pour t’aider, mais si je dois choisir entre te laisser mourir seule et que tu me fasses mourir avec toi, alors ce sera la première solution. »
Ce n’est pas de l’égoïsme. C’est le courage de regarder la situation telle qu’elle est, le danger tel qu’il est.
Maintenant, le réalisme ne conduit pas forcément au pessimisme.
Tous les jours, des personnes décident de cesser de boire, et s’y tiennent.
La difficulté pour l’alcoolique est qu’il ne pourra jamais reprendre la boisson, même « modérément ».
Même au bout de dix ans ou vingt ans, boire un seul verre sera pour lui trop dangereux. Il doit donc faire preuve d’une discipline très grande.
Mais une discipline dont l’être humain est capable, à partir du moment où il comprend que la vie mérite d’être vécue, et non d’être oubliée, noyée dans l’alcool.
C’est ce message-là qu’il faut faire passer.
Parvenir à expliquer aux alcooliques, et aux autres, que la vie, malgré toutes ses difficultés, vaut mieux que le néant et que l’Homme peut trouver partout une forme de joie très profonde.
Cette joie n’est pas le plaisir, l’amusement de l’instant, mais la satisfaction d’assumer volontairement ses responsabilités de long terme, quelles qu’elles soient, plutôt que de fuir, mentir, tromper, manipuler les autres et soi-même.
La réflexion sur le sens de la vie, la sagesse, constitue la seule voie de salut possible, et c’est le travail de toute une vie que d’y parvenir.
Au-delà des terribles problèmes sociaux liés à l’alcool, l’alcool peut tuer à l’occasion du terrible delirium tremens.
C’est cet accident potentiellement mortel, par arrêt cardiaque et déshydratation, quand l’alcoolique cesse soudainement de boire.
L’alcool, en effet, est la seule « drogue » qui crée une telle dépendance que la personne risque de mourir si elle en est sevrée brutalement.
Cela est lié à l’effet de l’alcool sur certains récepteurs du cerveau (récepteurs GABA), qui en ont besoin pour fonctionner.
Sans alcool, c’est la crise nerveuse avec tremblements, transpiration, attaque de panique, épilepsie et, éventuellement, coma et arrêt cardiaque.
Il est absolument capital, donc, que le sevrage soit progressif, sur une quinzaine de jours, accompagné de prise d’antidouleurs et, probablement, de médicaments sédatifs (qui calment), d’anxiolytiques de type benzodiazépine (qui suppriment les angoisses). C’est là que peut intervenir le baclofène qui réduit le désir d’alcool et mène à long terme à une indifférence à l’alcool.
Le sevrage doit aussi s’accompagner de prise de multivitamines enrichis en thiamine, acide folique et pyridoxine.
Les alcooliques sont, en effet, souvent carencés en nutriments, ce qui peut entraîner de graves complications lors du sevrage, tel le syndrome de Wernicke.
Ces vitamines doivent leur être données en intraveineuse avant toute ingestion de liquide ou d’aliment glucidique.
Ce passage-là, aussi délicat qu’il soit, est bien maîtrisé par la médecine.
Ce qui est beaucoup moins bien maîtrisé, ce sont les causes sociales, humaines, qui sont les vraies causes profondes, décrites au-dessus, de la maladie alcoolique. Mais j’espère, par ces quelques explications et conseil, parvenir à aider certaines personnes malgré tout.
Bien à vous,
Jean-Marc Dupuis
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Monsieur dupuis je croyais que vous êtes un militant pour la santé naturelle et vous faites face à big pharma qui veut éradiquer les traitements naturels et commercialiser ces produits chimiques au dépend des plantes naturelles. je vous assure jusqu’à présent je ne mettais jamais en doute ce que vous nous dites dans votre site santénatureinnovation, mais là me dire que le baclofène c’est une bénédiction alors la mon vieux vous êtes un peu à côté de la plaque ou bien vous le faites par intérêt à quoi ? pour le profit de qui ? je ne sais pas, parce… Lire la suite »
Bonjour
Bernard Dimey, mort d’avoir trop bu, avait écrit un poème intitulé « Ivrogne, et pourquoi pas ! »
On est seul avec son problème et sa honte … la volonté ! Quelle volonté ? On n’en a pas !
Depuis longtemps je lis cette lettre info et souvent je me suis dit “ce JM.Dupuis est vraiment quelqu un de bien,il a une belle humanité” .Je m interesse à tous les conseils de santé mais ses réflexions de pur bon sens et humanité ont à mes yeux un intérêt plus grand et sont d une grande aide dans le monde d aujourdhui;MERCI M.Dupuis.
Bonjour, je suis abstinente depuis bientôt un mois, sans avoir pris de médicaments, et à la suite d’une opération de la thyroïde.
Je ne me rappelle pas avoir été abstinente aussi longtemps…
Je trouve votre article très juste.
Un grand bravo tout se que vous avez écris est tellement vrai ,j ai sorti mon meilleur ami de l l’alcool au bout de plusieurs années très difficile, très triste de constater qu on a moins d amis qu en t on ne boit pas que l inverse ,en même temps il faut se dire que se ne sont pas de vrais amis. Bon courage à toutes les personnes qu ils veulent s en sortir.
Lire ; L.e dernier verre par Olivier Ameisen Denoel ) – Vérités et mensonges sur le Baclofène par renaud de Beaurepaire ( AlBin Michel )