Quand les fabricants annoncent qu’un médicament réduit le risque d’infarctus de 36,7 %, tout le monde comprend que, sur 100 personnes, cela fait 36,7 infarctus en moins.
Mais ce n’est pas du tout ça.
Pour comprendre, permettez-moi de faire une comparaison.
Imaginez que vous soyez fabricant de ceintures de sécurité.
Vous avez mis au point un nouveau modèle de super-ceinture que vous avez installé dans des milliers de voitures.
Pour démontrer son efficacité, vous suivez le nombre de morts avec votre ceinture, par rapport au nombre de morts avec une ceinture normale :
Si vous expliquez dans vos publicités que, moyennant un surcoût de 600 euros pour s’équiper de votre super-ceinture, le risque de décès diminue de 0,01 %, pensez-vous que cela va intéresser beaucoup de clients ?
Certainement pas !
C’est alors que vous avez une « révélation » mathématique. Plutôt que de comparer les chiffres globaux, vous prenez uniquement le nombre d’accidents dans chaque groupe.
Dans un cas, il y a deux accidents. Dans l’autre, il y en a trois.
Or deux accidents représentent une baisse de 33 % par rapport à trois !
Vous pouvez en toute tranquillité, et en regardant vos clients dans les yeux, leur affirmer qu’en cas d’accident de voiture, votre ceinture diminue le risque de mortalité de… 33 % !!
Pour le cerveau humain, cela signifie que votre ceinture de sécurité sauve 33 vies pour cent accidents de voiture, par rapport aux ceintures normales.
Mais ce n’est pas du tout la vérité.
Vous le savez, votre ceinture n’a réduit le risque que de 0,01 %, et non de 33 %, ce qui représente une « exagération » de 3 300 !!
Les statistiques sur les médicaments marchent exactement de la même façon.
Prenons l’exemple réel du Lipitor. C’est un médicament anticholestérol connu dans le monde médical comme d’une efficacité incontestable contre l’infarctus. Cette efficacité a été établie par l’étude « ASCOT », publiée en 2003 et réalisée uniquement par des financements indépendants de l’industrie.
Dans cette étude, il est écrit que ce médicament réduit le risque d’infarctus de 36,7 %.
Pourtant, la vérité est qu’il ne réduit ce risque que de 1,1 %, soit 33 fois moins qu’annoncé.
Ce que les chercheurs ont fait, c’est d’observer 10 000 participants pendant trois ans.
La moitié d’entre eux prenaient de l’atorvastatine (Lipitor), l’autre moitié un placebo (faux médicament).
La différence entre les deux groupes est donc de 1,1 %.
Mais en comparant le nombre d’infarctus dans les deux groupes (1,9 % dans le groupe sous Lipitor contre 3 % dans le groupe placebo), vous pouvez affirmer que le groupe Lipitor a eu 36,7 % d’infarctus en moins !
Vous pouvez convoquer les journalistes avec la garantie que le monde entier va se précipiter sur votre médicament pour éviter l’infarctus !!
Ce procédé est utilisé en permanence dans les plus sérieuses revues médicales. Personne ne le remet en cause.
Dans le cas du Lipitor, c’est ce qu’ils ont fait. Cela n’empêche pas l’étude ASCOT d’être considérée comme une des plus rigoureuses et fiables pour justifier l’usage des statines en prévention des accidents cardio-vasculaires.
Le résultat est que ce médicament est devenu le plus prescrit et le plus rentable de toute l’histoire de la médecine, générant 10 milliards de dollars de revenus chaque année.
En le prescrivant, beaucoup de médecins ont en tête qu’ils éviteront un infarctus à 36 % des personnes qui le prennent. C’est tout simplement faux.
Pensez-y la prochaine fois que l’on vous proposera un médicament.
Pour les accidents liés aux médicaments – leurs effets néfastes –, les chiffres sont toujours présentés cette fois pour paraître les plus rassurants possibles.
Ainsi, on ne vous dira jamais que votre risque d’empoisonnement augmenter de 50 %. Cette fois, on prendra le soin, au contraire, de vous donner des chiffres absolus qui, par la force des choses, paraîtront toujours rassurants.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
Sources de cet article :
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Le cholestérol est une molécule vitale : le détruire avec des médicaments est une grave erreur Je m’aperçois que je ne vous...
Je suis fort sidéré que votre argumentaire soit aussi confus. Devrais-je dire qu’il est aussi une arnaque pour le lecteur non averti ? Les chiffres ne sont pas du tout faux ; toute la manipulation revient dans le vocabulaire utilisé. Et vous faites cette erreur (d’autant que vous faites un amalgame entre nombre et pourcentage). Dans l’étude ASCOT, cela revient à dire que pour 5000 patients, 150 prenant le placebo ont eu un infarctus tandis que 95 prenant du Lipitor en ont eu un. Si vous parlez de « baisse », elle est effectivement de 36,67 %, il n’y a… Lire la suite »
Cher Monsieur, Je suis habituellement tout à fait d’accord avec vos articles. Mais celui-ci constitue réellement une arnaque vis-à-vis de vos lecteurs que vous prenez pour des imbéciles. J’ose croire que vous êtes sincère dans votre analyse mais ce qui sous-entend que vous avez bien peu de connaissances dans le simple examen des statistiques , ce qui semble essentiel quand on veut prendre des décisions ou communiquer des informations. Oui, avec force, je le dis, c’est tout à fait juste de dire que quand le nombre d’occurrences d’accident passe de 0.03 à 0.02 le risque a baissé de 33%. Dans… Lire la suite »
J’apprécie beaucoup vos articles mais ne peux laisser passer celui-ci qui confond « % » et « point », confusion que je m’efforce d’extirper du « cerveau » de mes étudiants et stagiaires depuis des lustres. Cette confusion est cruellement entretenue par les médias et nos « politiques », souvent pour minimiser l’impact de leurs décisions. Je prends l’exemple récent de l’augmentation de la CSG, augmentation de 1,7 « points » (correctement formulé sur le site auquel je viens de me référer). Si je vous suis, vous dites 1,7 %. Voyons la réalité pour quelqu’un qui gagne 1 500 €… Lire la suite »
Enfin un papier sur les abus d’interprètation de données chiffrées! Il est grand temps 1) que ce genre de papier soit diffusé dans les revues de SNI tant les confusions sont grandes et les enjeux encore plus; 2) que SNI balaie devant sa porte; 3) que SNI cesse de reprendre le matraquage de Big Pharma avec son cheval de Troie: la “preuve scientifique” de la valeur d’un remède est le test en double aveugle contre pacebo (voir p.ex. Alternatif bien-être 128 p.2). Cette soit-disant preuve est une imposture, indéfendable par tout scientifique sérieux et tout épistémologue: il n’y a pas… Lire la suite »
Le terme “d’arnaque” que vous utilisez relève au mieux d’incompétence, au pire de tromperie intellectuelle. Vous pouvez calculer comme vous voulez, passer de , 0,02 à 0,01 % correspond bien à une diminution de 50 %. Passer de 0,02 % à 0,03 % correspond à une augmentation de 50 %, alors que passer de 0,03 % à 0,02 % indique une diminution de 33 %. Vous pouvez le dire comme vous voulez, ce qui importe c’est la diminution en chiffres absolus, à savoir le nombre d’infarctus en moins. Ensuite seulement on pourra discuter de l’opportunité de prendre le médicament, compte… Lire la suite »
Monsieur Dupuis,votre démonstration bien que très approximative car on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut(!!!), donne au moins à réfléchir sur les méthodes de “communication” utilisées dans les industries dont celle de la SANTÉ qui n’y échappe pas.
Cette réflexion est en tous cas de meilleur aloi que celle que vous fîtes précédemment sur LA TRANSMISSION et ces richissimes RETRAITES qui plombent notre monde…..et que nous avons trouvée inadaptée à une lettre sur la SANTÉ.