Le goût du sang

Je lis, avec effroi, un gros livre sur les Aztèques (“Mexique”, de James Michener).

Il raconte que les jeunes guerriers les plus beaux et les plus habiles étaient massivement sacrifiés.

Ils étaient hissés en haut de pyramides, où des prêtres leur ouvraient la poitrine avec des pierres tranchantes. Ils leur arrachaient le cœur encore palpitant qu’ils mettaient dans une bassine, puis jetaient le corps ensanglanté dégringoler les escaliers.

Aux grandes fêtes, jusqu’à 10 000 cœurs étaient ainsi extraits, puis brûlés, dans des carnages épouvantables qui duraient des jours.

Les corps étaient évacués vers des charniers à quelque distance, où ils pourrissaient à ciel ouvert. Vous imaginez l’odeur, les marches gluantes de sang, le cauchemar…

Les victimes étaient en partie des captifs, mais aussi pour beaucoup des guerriers de leur propre tribu.

Victimes consentantes, et fières de l’être

En lisant cela, vous réalisez combien la nature humaine peut être cruelle.

Mais, aussi bizarre que cela puisse paraître, les victimes des sacrifices n’opposaient aucune résistance ! Bien au contraire, elles trouvaient formidables d’être ainsi offertes pour la bonne cause. Car il s’agissait de convaincre le Dieu Soleil de revenir, chaque fois qu’il déclinait. Et cela marchait.

Donc ils continuaient.

Mais ce qui est terrible, c’est de passer de la lecture d’un tel livre à celle d’un journal d’actualité.

On retrouve le même goût du sang.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait escalade, et ce toujours sous les ovations de la presse des deux bords.

Si vous êtes Russe, vous êtes censé soutenir Poutine avec enthousiasme, et si vous êtes Européen, soutenir l’Ukraine, comme s’il s’agissait d’un match de foot :

“ – Je suis Parisien, donc je soutiens le PSG. Tu es Marseillais, donc tu soutiens l’OM.”

Ce système a le mérite de la simplicité, et permet de réguler les émotions des foules de la façon la plus directe et la plus efficace : si votre équipe gagne, vous sautez de joie, si elle perd, vous pleurez. Vous n’avez, personnellement, pas touché le ballon, mais vous vivez tout cela comme une victoire ou une défaite personnelle.

En ce qui me concerne, je refuse absolument cette prise de pouvoir.

Comme je l’ai écrit dès le début, je ne connais pratiquement rien à ces pays, ni leur histoire, ni leurs conflits récents ou présents, ni leur langue, ni leur culture, ni leur religion.

Ce que les médias nous donnent comme “informations” ne me paraît absolument pas suffisant pour comprendre. (De toute façon, ça tombe bien, personne ne me consulte non plus pour savoir ce qu’il faut faire).

Je ne fais aucune confiance à Vladimir Poutine, dont on voit au premier regard que c’est un manipulateur, qui adore jouer au chat et à la souris. Il ne fait qu’alterner les menaces et les paroles d’apaisement, avance ses chars, puis les recule soudainement, les renvoie à droite, à gauche, tire des missiles sur Kiev, encercle la ville, puis se retire une nouvelle fois. Annonce la troisième guerre mondiale, puis déclare qu’il fera tout pour l’empêcher…

Qui ne voit pas que c’est un jeu pervers ? Tout ce qu’il fait et dit vise à embrouiller l’adversaire.

Mais qui est ce Zelensky dont on nous explique tous les jours dans les journaux que c’est un héros ? Quand je l’entends, ce sont des propos tellement simplistes que j’ai l’impression d’une mauvaise série télé. Et de fait, c’est un acteur qui n’est nulle part plus à l’aise que devant des caméras, et on voit bien qu’il est comme un poisson dans l’eau à se présenter comme le sauveur du monde. Au nom de qui ? De quoi ? Pourquoi faudrait-il lui donner le bon Dieu sans confession ? Penser a priori que c’est un type irréprochable, agissant forcément pour la bonne cause ? Sachant que son action, pour l’instant, le conflit ne paraît pas du tout en train de s’éteindre, mais au contraire de s’aggraver de jour en jour ?

A priori, j’aurais vraiment aimé que mon pays reste en dehors de cette histoire, par crainte d’envenimer encore les choses.

Ce qui me fait douter, c’est que je vois les pays les plus voisins de la Russie (Pologne, Finlande, Moldavie, Pays Baltes…) s’inquiéter au plus haut point.

Eux, contrairement à nous, savent de quoi ils parlent. Les Polonais, notamment, ont un langage très proche du russe. Ils faisaient partie de l’Empire Russe autrefois, ils ont été occupés par les Russes de 1945 à 1990, ils les connaissent comme leur poche. Et je vois qu’ils accueillent des millions de réfugiés ukrainiens avec une générosité évangélique, malgré leur pauvreté. Ils ne se plaignent pas. Ils agissent.

Or, leur Premier Ministre Mateusz Morawiecki, qui semble quelqu’un de raisonnable, a publié un appel aux Européens cette semaine, dans lequel il explique que Poutine est animé par une “idéologie monstrueuse” qui représente une “menace mortelle pour l’Europe”. Il écrit que si on en l’arrête pas maintenant, il va tous nous écraser, et que “Vladimir Poutine est plus dangereux qu’Adolf Hitler et Joseph Staline.” [1]

Pour un pays martyrisé, saigné à blanc par ces deux dictateurs abominables, qui figurent l’un et l’autre en haut du podium des pire génocides de l’humanité, ce n’est pas peu dire.

Cela annonce, pour l’avenir, d’autres fleuves de sang.

Jean-Marc Dupuis

Sources:

[1] https://www.telegraph.co.uk/opinion/2022/05/10/russias-monstrous-ideology-must-defeated/?onwardjourney=584162_v3