En cette période où (pratiquement) tout le monde semble prêt à sacrifier des fêtes de famille, des relations professionnelles, des rencontres amicales ou même amoureuses, pour éviter la maladie, je vous propose de réfléchir sur le cas des personnes malades qui sont pourtant plus heureuses que certains “bien-portants”.
Oui, c’est un phénomène bizarre mais pourtant courant dans le milieu médical.
Pour l’expliquer, il faut comprendre d’abord ce que veut dire “être heureux”.
Notre système nerveux est conçu pour produire des émotions positives ou négatives, que nous assimilons à du bonheur et du malheur :
Ainsi nous ressentons :
Mais encore faut-il avoir un but.
C’est pourquoi on apprend aux enfants à faire des vœux en regardant les étoiles filantes.
Dans Pinocchio, on voit Gepetto qui fait un vœu en regardant l’étoile la plus grande, la plus belle, qui scintille dans la nuit. Cela symbolise un rêve très éloigné, très improbable, et qui donc lui procurera un bonheur extrême le jour où il se réalisera (que sa marionnette se transforme en “vrai petit garçon”) :
Et vous ? Quelle est la “bonne étoile” qui vous guide ? Quel est votre plus haut idéal ? Vers où portez-vous votre regard ? Quand ressentez-vous la plus grande joie ? Quels vœux faites-vous lorsque passe une étoile filante dans le ciel ?
Plus vos réponses à ces questions sont précises, mieux vous êtes placé pour savoir ce que vous devez faire, où vous devez aller, pour progresser vers votre but et donc ressentir du bonheur.
Car le bonheur provient du fait de surmonter les obstacles qui nous éloignent de notre but. Plus ces obstacles sont grands, plus intense est le bonheur de les surmonter.
Sans but à atteindre, pas de bonheur.
Dans le langage de tous les jours, quand on n’a plus de but, on dit qu’on est “déboussolé”.
Cela veut dire qu’on ne sait plus dans quelle direction aller. On ne sait plus quel est le “sens” de notre vie.
Vous ressentez alors de l’ennui, de l’indifférence, de la déprime, voire de la dépression. Et comme on ne peut pas vivre sans bonheur, on rechercher des gratifications immédiates, faciles, comme des bonbons, du Nutella, des jeux, certaines vidéos sur Internet qui stimulent.
Les opiacés (drogues dérivées de l’opium, comme l’héroïne) sont elles aussi très efficaces pour tromper notre système nerveux, en provoquant les réactions chimiques liées à notre système nerveux de gratification. Dans les pays où les gens perdent leurs croyances et leurs idéaux, la consommation de drogue augmente.
C’est logique.
Cette règle (que le bonheur provient du fait de résoudre les problèmes) est tellement vraie que l’être humain adore s’inventer des problèmes pour le seul plaisir de pouvoir les résoudre !
Eh oui, quand vous réfléchissez, c’est exactement ce que nous faisons dans tous les sports, les arts, les loisirs. Nous inventons des problèmes pour le simple plaisir de les résoudre :
Ce phénomène est tellement fort que non seulement nous éprouvons nous même un bonheur incroyable lorsque nous réussissons quelque chose d’extrêmement compliqué, à l’extrême limite de nos capacités.
Mais nous pouvons également ressentir une joie immense, et à vrai dire peut-être plus grande encore, à contempler une autre personne réussir quelque chose de vraiment exceptionnel.
Dans les stades, les salles de concert, les performances des sportifs ou des artistes provoquent les plus intenses réactions d’euphorie (on se lève, on crie, on saute, on danse…) voire même d’adoration quasi-religieuse : on se joint les mains, on tombe à genoux, on tremble, on pleure d’émotion…
C’est ce que j’ai ressenti hier soir en regardant avec mon fils sur Youtube un reportage sur Jérémy Heitz, un skieur surdoué. Vous le voyez skier ou plutôt “voler” sur une paroi verticale de neige de mille mètres de haut. A la 18e minute du film, la séquence est tellement intense que nous étions les mains jointes, tremblants, pratiquement en pleurs, exactement comme décrit ci-dessus !! (pour voir la vidéo sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=0HQzzWot9i4)
Le fait d’être malade, ou de souffrir, n’est donc pas forcément un obstacle au bonheur.
Nous avons tous le souvenir d’avoir éprouvé un grand bonheur malgré une souffrance.
L’accouchement d’un bébé en est un exemple, racontent souvent les mamans.
Dans le sport, et au cinéma, nous avons l’habitude de voir des champions triompher et montrer tous les signes du bonheur malgré les souffrances et les sacrifices qu’ont réclamé leurs exploits.
Pensons par exemple au film Rocky, sur les aventures d’un boxeur qui cherche une improbable victoire :
Pour les personnes qui ont un idéal très élevé, le fait d’avoir un accident, une maladie, peut leur paraître peu important si leur idéal n’est pas remis en cause.
C’est pourquoi chaque accident ou maladie est perçu différemment par la personne qui le subit.
Sachant que des problèmes surgiront tôt ou tard dans notre vie, la bonne stratégie est de veiller à avoir plusieurs types d’objectifs, dans des domaines variés. Ainsi une maladie qui viendrait nous bloquer dans un domaine ne nous empêchera pas de poursuivre nos autres routes, ailleurs.
Cela peut même accélérer nos progrès :
Si vous êtes pianiste et footballeur, par exemple, un problème au pied peut-être vécu comme une chance pour mieux progresser en piano, un problème à la main comme une chance de mieux progresser au football.
Plus vous développez votre palette d’objectifs, dans des domaines variés, moins les accidents de la vie ne risqueront de vous anéantir :
Si vous développez à la fois votre réseau d’amis, vos talents artistiques, vos compétences manuelles, votre carrière professionnelle, votre famille, votre habileté sportive, alors il est probable que seuls les accidents les plus graves puissent véritablement remettre en cause tous vos objectifs.
Les objectifs de vie qui vous protègent le mieux contre toute atteinte extérieure sont ceux qui sont les plus intérieurs. Ceux qui ne nécessitent aucun matériel, aucune personne, et que vous pouvez poursuivre même malade, vieux, handicapé, dans une prison ou sur un île déserte.
Ce sont les objectifs qui se situent dans le domaine de la psyché, autrement dit parmi les manifestations conscientes et inconscientes de l’esprit.
C’est pourquoi dans toutes les civilisations existe la figure du Sage qui a développé un immense monde intérieur dans lequel il peut se retirer et où rien ni personne ne peut pénétrer et donc lui faire du mal : Homère qui était aveugle, Bouddha qui méditait au pied de son arbre, le prophète Daniel dans la fournaise, Sénèque qui ne mangeait que de l’eau et du pain dur…
Ma grand-mère avait appris à l’école, toute petite, de très longs poèmes issus de la littérature classique. Lorsqu’elle s’est retrouvée veuve, aveugle, et impotente, une situation qui a duré plusieurs années, elle racontait combien tous ces textes qu’elle pouvait se réciter à elle-même l’avaient accompagnés et avaient adouci ses épreuves.
L’écrivain Stefan Zweig raconte l’histoire d’un joueur d’échec qui, seul dans sa prison, occupe ses journées à vivre mentalement d’intenses parties imaginaires.
Plus proche de nous, nous ressentons instinctivement la robustesse d’un grand-père qui a passé sa vie à construire une maison avec un beau jardin, et pour qui le plus important est de voir un de ses petits-enfants poursuivre son œuvre. S’il réussit, aucune maladie, même douloureuse, ne remettra en cause sa joie de vivre.
Nous nous souvenons du Dr David Servan-Schreiber, dont le cancer au cerveau a été l’occasion pour lui de se motiver pour faire enfin ce qu’il voulait faire, et qui disait n’avoir jamais été aussi heureux que depuis qu’il était tombé malade.
Chaque fois, la personne se sauve en se concentrant sur un objectif qui est plus élevé que sa propre personne, ses souffrances.
Ainsi les personnes les plus heureuses ne sont-elles pas celles à qui il n’arrive pas de malheurs.
Ce sont celles qui ont trouvé de nombreuses et puissantes raisons de vivre et qui consacrent leur temps à leur énergie à poursuivre leurs idéaux.
Le problème évidemment, est que nous avons tous plus ou moins tendance à la paresse, à suivre nos petites habitudes, et nous arrêter par crainte des épreuves et de l’inconnu.
Nous restons donc dans une situation un peu médiocre, qui nous prive d’émotions franchement positives, et donc de bonheur intense, mais qui nous convient plus ou moins.
Comment éviter cet enlisement ?
C’est simple : comprendre que la vie est dangereuse. Qu’on est obligé de bouger ne serait-ce que pour se maintenir au même endroit. Il faut travailler dur pour conserver notre maison, notre jardin, notre corps, notre famille, en état de fonctionnement.
Dans Alice au Pays des Merveilles, il est question d’une terrible Reine rouge. Elle règne sur un pays où il faut courir de toutes ses forces pour rester à la même place. C’est une métaphore de la vie. Si l’on ne bouge pas, on régresse. C’est le principe d’entropie, selon lequel toute chose tend à s’écrouler, si on ne fait rien.
Il ne suffit pas de rester dans son canapé pour éviter les problèmes. Bien au contraire. La vie se finit toujours mal, par la mort, mais ce qui se passe entre temps peut être encore bien pire que la mort. Prendre conscience de cela peut nous donner le coup de fouet dont nous avons besoin pour bouger.
Réaliser que la vie peut se transformer en enfer nous fait peur, mais cela nous donne l’énergie de nous bouger pour fuir cet enfer. L’énergie de la fuite est la plus irrésistible pour l’être humain. C’est là que notre esprit et notre corps donnent tout ce qu’ils ont. Nos instincts de survie se mettent en route.
C’est pourquoi la notion d’enfer, au coeur des préoccupations de nos ancêtres au Moyen-Âge, reste aujourd’hui utile sur le plan psychologique. Il est important de penser non seulement à un idéal positif, mais aussi à un idéal négatif, autrement dit définir l’endroit où nous ne voulons surtout pas aller, ce que nous ne voulons surtout pas devenir.
Nous réalisons que, si nous ne voulons pas finir dans un état que nous redoutons fortement, il va falloir sortir de ce canapé. Tout de suite. La peur peut ainsi se transformer en énergie positive.
C’est ce qui arrive à Pinocchio : ce n’est que lorsqu’il se voit pousser une queue et des oreilles d’âne, qu’il prend peur et se décide enfin à changer : fuir l’île enchantée et partir sauver son père qui a été mangé par une baleine :
Ainsi, attiré par notre bonne étoile, qui brille dans le ciel, mais aussi stimulé par la crainte des catastrophes qui risquent de nous arriver si nous ne nous mettons pas en route, nous sommes comme un wagon de marchandises pris en sandwich entre deux locomotives, l’une qui nous pousse, l’autre qui nous tire.
C’est ainsi que nous pouvons avancer dans la vie, et nous bâtir des protections qui nous permettent d’être heureux, même en étant vieux et malade.
Mais il faut s’y mettre !
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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Un grand “Merci” pour cet article. J’ai 81 ans et je pensais que je n’ai plus des motifs pour vivre. Après avoir lu votre article je suis une autre personne. Il est très tard, pourtant, j’irai me coucher avec le désir de me réveiller demain en forme.
Merci aussi à Rodolphe Baquet pour ses 4 interviews exceptionnels avec le docteur Jean-Paul Courtay . .
Très beau texte! Merci. A méditer…
Très bel article, bravo et merci d’éclairer l’esprit de ceux qui ont tendance à se replier sur eux-mêmes et à toujours se plaindre…
Bonjour Monsieur Dupuis, Je tiens à vous remercier pour cet article , mais aussi pour les autres et ceux à venir. Ceux-ci nous font en effet beaucoup de bien en cette période troublée. Voulez-vous également remercier Sébastien Duparc et Rodolphe Bacquet de votre équipe , pour leur courriels écrits conjointement sous la rubrique santé-confinement . J’apprécie les gens qui prennent du temps pour informer les autres et leur venir en aide. Merci et portez-vous tous bien et même mieux que bien ! Oui , cela existe , cela s’appelle « La Paix » , mais c’est une grâce qui ne nous est que… Lire la suite »
Merci.Quelle rayon de soleil avec cette leçon d’ humilité.
C’est bien tourné ! mais, vous savez, Monsieur Dupuis, tout cela est une question de FOI. Tout est dit. Avec la Foi on peut traverser toutes les épreuves de cette vie terrestre. Non ? Coronette