On dit souvent que la famille se caractérise par l’amour entre ses membres.
C’est faux.
Ce qui caractérise la famille, c’est l’intensité des relations.
Quand on s’aime en famille, on s’aime énormément ; quand on s’aide, aussi ; et quand on se jalouse ou qu’on se hait, de même…
Les Anciens racontaient que les deux premiers frères de l’histoire de l’humanité, Caïn et Abel se sont… entre-tués.
Ce n’est que par la suite que les hommes ont appris à gérer les relations familiales. Comme quoi, il semble plus naturel de se détester que de s’aimer en famille !
Vivre à plusieurs en famille, c’est être condamnés à se marcher sur les pieds régulièrement, et à vrai dire plusieurs fois par jour.
Les problèmes commencent quand se trouve dans la famille une personne un peu “narcissique”, ayant une haute opinion d’elle-même, ou au contraire une si faible opinion qu’elle n’a pas le courage de regarder en face ses défauts, et d’en tenir compte.
Ne connaissant ni les scrupules, ni les regrets, ni les remords, elle est persuadée de ne jamais commettre d’erreur grave. S’il y a un problème, un conflit, c’est de la faute des autres. Les autres sont stupides, faibles, ils n’ont pas été prévoyants, ils sont trop susceptibles, ils manquent de sens de l’humour. En aucun cas la cause du conflit ne peut provenir d’elle !
Dans les familles saines, la personne trop narcissique se fera rapidement corriger par les autres. Mais tout se complique s’il se trouve une autre personne qui, elle, est trop empathique.
Cette personne, à l’inverse de la personnalité narcissique, se pose constamment des questions sur elle-même, sur sa valeur, ses mérites.
En cas de conflit, son réflexe est de croire que c’est de sa faute. Elle s’excuse, se fait des reproches, se remet en question. Elle pense que c’est à elle de faire des efforts pour changer et restaurer la paix dans la famille. Elle le fait même s’il faut se sacrifier et subir des injustices.
Si les autres la font souffrir, elle leur cherche des excuses. Elle imagine qu’ils ne font pas exprès, que ce n’est pas de leur faute. Sa tête est farcie de dictons du type : “Dans toutes les familles, il y a des problèmes” ; “Dans un conflit, les torts sont toujours partagés” ; “il ne faut pas penser du mal des autres” ; “chacun voit midi à sa porte“, ou encore “il faut bien savoir faire des concessions…”
Dans une quête permanente d’éviter les conflits, la personne empathique finit par laisser les abus se multiplier. Elle peut même s’inventer des fautes qui expliqueraient les méchancetés dont elle est victime.
« Si je fais les concessions nécessaires, pense-t-elle, l’harmonie familiale finira bien par se rétablir. » Car ce qui lui importe avant tout, c’est de se sentir appréciée, aimée.
Mais il se produit l’exact contraire de ce qu’elle espérait.
Voyant que la personne empathique se remet en cause, s’adapte, et fait tout pour éviter le conflit, la personne narcissique s’engouffre dans la brèche et redouble de méchanceté et d’injustices.
La personne empathique se remet encore plus en question, ce qui nourrit ses doutes sur elle-même. Elle se consume en questionnements, se demandant pourquoi, comment, « ce qui fait que » la personne narcissique est si méchante avec elle. Elle ne comprend pas qu’elle profite de la situation, tout simplement.
La personne narcissique, nous l’avons dit, n’a jamais de scrupules ni de remords. Elle n’éprouve aucune culpabilité à obtenir des avantages au détriment de l’autre. Au contraire, elle est fière de dominer. Elle voit dans la soumission de l’autre un signe, non de générosité, mais de faiblesse. Elle se sent supérieure et estime que l’autre mérite d’être exploitée.
La personne empathique a le réflexe inverse. Elle ne peut pas imaginer que quelqu’un soit indifférent à la douleur des autres. «Si tout cela m’arrive, c’est que j’ai forcément dû faire quelque chose de mal,se dit-elle, “sinon l’autre s’apercevrait que je souffre et m’aiderait, c’est certain ! »
En réalité, la personne narcissique n’a aucune intention de l’aider. Elle continuera de l’exploiter tant que ce sera dans son intérêt et tant que l’autre ne réagira pas.
Et c’est facile car la personne empathique pensera que les personnes qui cherchent à intervenir pour la protéger se trompent, qu’elles ne se rendent pas compte que tout est de sa faute.
Comment sortir de cette situation terrible ?
La première étape est de reconnaître que la situation existe. Cesser de nier. D’essayer de se persuader que, au fond, c’est normal, que “dans toutes les familles il y a des problèmes.” Non, les familles toxiques sont, heureusement , une minorité !
La seconde étape est de comprendre que ce n’est, au fond, pas si grave de se séparer de sa famille. Que ce soit regrettable, c’est sûr. Mais nous ne vivons plus à l’époque tribale ni au Moyen-Âge quand les gens n’avaient pas d’autre choix que de vivre dans la ferme ou le chateau familial. Le monde moderne permet à de très nombreuses personnes de vivre indépendantes de leur famille, et de reconstituer des liens avec des personnes qui le méritent. La famille, c’est important, quand on a la chance d’en avoir une, mais ce n’est pas tout.
Ensuite, il faut se défaire de son sentiment de culpabilité. Pour cela, la personne empathique doit comprendre que ce ne sont pas ses défauts, mais au contraire ses qualités (empathie, bienveillance, générosité, sens de l’honneur et du devoir…) qui l’ont rendue vulnérable. Ce n’est pas à elle d’avoir honte d’avoir quitté la famille, mais au contraire à la personne narcissique de lui avoir rendu la vie impossible, au point de la chasser de famille. Elle n’avait tout simplement pas d’autre choix que de partir. Elle n’est pas responsable, ce n’est pas elle qui a, volontairement, détruit la famille.
Une fois libérée de ses liens toxiques, la personne empathique pourra reconstruire sa vie et retrouver son assurance en comprenant que sa capacité à regarder en face ses faiblesses et ses failles est une marque de courage et de force. Cette lucidité lui permet de progresser et d’entreprendre de grandes choses.
Ce n’est pas elle, la faible, la nulle, la ratée, mais au contraire la personne narcissique qui, se trouvant “très bien comme elle est”, ne fait pas grand effort pour s’améliorer et changer.
Enfin, ayant tiré les leçons de son expérience, elle ne risquera plus de tomber entre les griffes d’un autre narcissique. Elle les repère désormais à trois kilomètres. Elle aura souffert, mais elle aura progressé. Elle se sera renforcée.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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je suis complétement d’accord avec votre article. Vous avez déjà publié le même genre d’article il y a quelques années et je m’en suis inspirée dans mon divorce qui dure depuis 10 ans à cause de nos deux caractères: empathique pour moi et pervers narcissique pour mon ex. J’ai pris conscience que je devais arrêter de me culpabiliser. J’ai repris confiance en moi. J’ai changé mon regard sur ces années passés avec mon sentiment d’impuissance d’en finir avec le divorce. Le temps qui passe me révèle maintenant chaque jour ma force spirituelle que j’ai développée. La peur de manquer d’argent… Lire la suite »
C’est donc bien ce que j’apprends entre autres en travaillant avec le livre de Franck Lopvet: “Ton autre vie”, votre ex-conjoint a joué un formidable rôle de catalysateur dans votre vie et vous a fait découvrir qui vous êtes réellement!!!¨
Merci pour ce volet psychologique de votre accompagnement. Très belle analyse
Je suis ravie de lire cette lettre surtout que vous sembliez vous demander récemment si je (ou on?) vous lisais encore. C’est vrai que je n’ouvre plus tous vos envois mais celui-ci me plaît! Je crois moins au hasard qu’à la télépathie mais, il se trouve que j’ai justement pensé à vous la semaine dernière, il me semblait que certains vendeurs de cours, comme des vampires, se servaient de votre bonne réputation pour rejoindre une clientèle qu’ils ne sauraient atteindre vu leur attitude mercantile repoussante. Quant à moi, je n’ouvre pas tous vos envois pour cette raison.
Votre article dénote une vraie générosité de votre part envers vos lecteurs Merci
Plus prosaïquement, celui qui le dit, c’est lui qui l’est, comme diraient les enfants. Je ne vous savais pas porté sur la psychanalyse. Cette histoire de projection des ses sentiments négatifs sur l’autre est un phénomène psychologique qui se rencontre assez souvent. C’est dommageable pour une éventuelle “victime” de l’ignorer. Merci à vous de le rappeler.
Merci,pour cette lettre,très instructive.